INVESTISSEMENT, T2A (tarification à l'activité), gouvernance. Les trois piliers du plan Hôpital 2007 promis par Jacques Chirac dès son élection au printemps 2002 sont désormais en place. Alors que la relance de l'investissement, premier chapitre de ce plan quinquennal, est une réalité dans les établissements depuis deux ans, que le passage du budget global à la T2A a commencé de s'opérer en 2004, la réforme de l'organisation interne des hôpitaux va s'appliquer très prochainement.
En gestation depuis de longs mois, déjà expérimentée par une centaine d'établissements pilotes, cette « nouvelle gouvernance », sujet d'importantes divisions parmi les professionnels de l'hôpital, aura eu bien du mal à voir le jour. Jusqu'à la fin puisque la signature par les urgentistes - dont le principal syndicat, l'Amuf, s'oppose à cette réforme - d'un protocole d'accord avec le ministère de la Santé a donné lieu à un diplomatique report de son examen en Conseil des ministres.
Le suspense a toutefois pris fin mercredi dernier. « L'Arlésienne », selon les termes du Dr Pierre Faraggi, président de la CHG (Confédération des hôpitaux généraux, elle aussi contre la gouvernance), n'en est plus une depuis que le secrétaire d'Etat à l'Assurance-Maladie, Xavier Bertrand, a présenté à l'Elysée les grandes lignes de l'« ordonnance simplifiant le régime juridique des établissements de santé » (« le Quotidien » du 29 mai) - la publication de ce texte devait suivre très rapidement le Conseil des ministres.
« Nouvel élan ».
Le ministère de la Santé juge que la modernisation qui va s'amorcer est « indispensable pour l'hôpital ». Il s'agit, souligne-t-il dans un communiqué, d'une démarche « pertinente » qui va « donner un nouvel élan au service public hospitalier pour l'adapter aux enjeux de la santé publique et du progrès médical et aux attentes de qualité d'accueil et de soins des malades ».
Rares sont cependant ceux qui font une lecture aussi enthousiaste des dispositions arrêtées (voir encadré), y compris parmi les promoteurs de la réforme pour qui, en substance, la nouvelle gouvernance est une bonne chose mais insuffisante. Ainsi, Paul Castel, président de la Conférence des directeurs de CHU, se félicite de « la plus grande implication » programmée « des médecins dans un copilotage » des hôpitaux et du maintien du rôle de « responsable ultime » confié au directeur dans les décisions stratégiques. Il ne fait pas pour autant de la nouvelle gouvernance la panacée pour l'hôpital public : « Les problèmes actuels (de l'institution) restent posés », insiste-t-il, évoquant l'incidence du vieillissement de la population, les prises en charge avant et après l'hôpital, l'inadaptation technique de la T2A, la démographie médicale, l'étroitesse des budgets... Le Dr François Aubart, président de la Coordination médicale hospitalière (CMH), met lui aussi une sourdine à ses applaudissements : « Il fallait, explique-t-il, que le texte sur la nouvelle gouvernance sorte. Les optimistes y voient l'occasion pour la communauté médicale de retrouver à l'hôpital un rôle et une place perdus depuis longtemps. Maintenant, ce n'est pas magique. Ce texte ne met pas à lui seul fin à toutes les difficultés. »
« Un non-sens politique ».
Farouchement opposé au modèle d'organisation interne qui vient d'être arrêté, le Dr Faraggi (qui ajoute à sa casquette de président de la CHG celle de porte-parole du Collectif des syndicats de praticiens pour la défense de l'hôpital public, né en réaction à la nouvelle gouvernance) égrène les critiques : « Ce n'était pas la priorité de l'hôpital de bouleverser son organisation interne, regrette-t-il. La confiscation de certaines attributions des instances classiques de l'hôpital, le recentrage du pouvoir entre les mains du directeur, l'atteinte portée au pilotage médical de l'hôpital... sont de mauvais éléments. »« Légaliste », le Dr Faraggi appliquera l'ordonnance mais il déposera des recours contre les dispositions qu'il n'accepte pas.
Plus sévère encore, le président de l'Amuf (Association des médecins urgentistes de France), le Dr Patrick Pelloux, considère la nouvelle gouvernance comme « un non-sens politique majeur sur l'organisation de l'hôpital ». « Il n'y aura pas, dénonce-t-il, deux organisations semblables d'un hôpital à l'autre, on entérine le mandarinat... » Il soulève en particulier la question de l'avenir des services : « C'est la fin des services hospitaliers, il ne faut pas se leurrer. On enterre ce faisant l'autonomie des services d'urgence. Pour nous, c'est un avis de décès. »
Les trois axes de la réforme
La nouvelle gouvernance des hôpitaux s'articule autour de trois axes :
- La redéfinition du rôle des instances et la clarification des responsabilités.
Les attributions du conseil d'administration sont recentrées (définition des orientations stratégiques de l'établissement, évaluation et contrôle de leur mise en œuvre). Un conseil exécutif, composé à parité de médecins et de responsables administratifs et présidé par le directeur de l'hôpital, voit le jour qui élabore tous les projets importants de l'établissement en liaison étroite avec CME et CTE (commission médicale et comité technique d'établissement). Les compétences de la commission des soins infirmiers sont élargies (en particulier dans les domaines de l'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins).
- Le décloisonnement de l'hôpital et la déconcentration de la gestion.
Les établissements sont découpés en grands pôles d'activité dotés d'autonomie et de responsabilité. Ces pôles sont dirigés par un médecins (épaulé par un conseil de pôle où se retrouvent représentants médicaux et administratifs) et contractualisent avec la direction. Sur le papier, les services ne disparaissent pas (ils « assurent l'organisation de la prise en charge médicale des malades et participent à l'évaluation des pratiques professionnelles »).
- La refondation de la collaboration hospitalo-universitaire.
De nouvelles conventions renforcent les missions d'enseignement, de recherche et d'innovation des CHU : l'université sera partie prenante au contrat d'objectif et de moyens que signent les CHU avec les agences régionales de l'hospitalisation (ARH) et l'hôpital pourra participer à l'élaboration du contrat quadriennal qui lient les universités et l'Etat.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature