DEPUIS la rentrée de septembre, les syndicats médicaux craignaient que le gouvernement impose un régime draconien aux soins de ville en 2006. Sans doute avaient-ils raison de se mettre en alerte.
Le taux de croissance global (tous secteurs de soins) particulièrement sévère que le gouvernement a retenu pour les dépenses d'assurance-maladie l'année prochaine est limité à 2,5 % (2,7 % à périmètre constant) et donne une première indication de la rigueur de l'époque. Un objectif aussi bas n'a jamais été réalisé depuis 1998 et, cette année, les estimations tablent sur une croissance des dépenses de 3,8 % par rapport à 2004. Xavier Bertrand ayant forgé sa conviction qu'il fallait ménager les hôpitaux publics dans un contexte où les deux tiers des établissements sont dans le rouge, en leur accordant une enveloppe déléguée en hausse de 3,44 % en 2006 (la FHF réclamait + 4,32 %), le taux réservé aux soins de ville (honoraires médicaux et dentaires, prescriptions, IJ, transports), non confirmé, mais inévitablement proche de 1 %, ne pouvait dès lors que décevoir fortement les libéraux. Et les inquiéter à quelques mois de discussions conventionnelles où il s'agira de négocier « dans le cadre des enveloppes ».
Les bons élèves au piquet ?
Mais, en réalité, les choses sont beaucoup plus complexes que cet affichage. Lors des universités d'été des deux principaux syndicats soutiens de la réforme (Csmf et SML), Xavier Bertrand a expliqué que l'effort accru demandé au médicament en 2006 profiterait mécaniquement aux honoraires par le jeu des vases communicants dans l'enveloppe des soins de ville (1). Ce sera bien le cas : en imposant un régime de cheval au médicament avec un taux négatif de 3,3 % en 2006, auquel il faut ajouter la forte diminution des IJ, le ministre de la Santé s'est efforcé de ménager le poste des honoraires qui serait, dans cette hypothèse, autorisé à progresser de 3,2 % l'année prochaine.
En tout état de cause, les médecins libéraux auraient du mal à accepter qu'on leur demande de se serrer la ceinture en 2006, alors que leurs dépenses n'ont jamais été aussi sages depuis 1998 : après les années noires 2000-2003, lorsque la courbe de croissance des soins de ville grimpait en flèche (+ 7,8 %, + 7,2 %, + 8 % et + 6,2 %), 2004 a amorcé le mouvement de modération en médecine libérale (+ 4,3 %) qui se confirme clairement cette année (+ 2,7 %). Deux raisons expliquent cette tendance : la baisse continue des indemnités journalières depuis la mi-2003, l'inflexion des dépenses de médicaments (+ 4 %, au lieu de + 8 %) et la sagesse du poste des honoraires, principalement chez les généralistes.
Reste la difficulté de tenir les engagements conventionnels sur les prescriptions : à ce stade, les résultats sont, à l'exception des IJ, inférieurs aux objectifs 2005, notamment pour les statines, les psychotropes et la gestion du 100 % dans le cadre des ALD. « Un Ondam sévère peut se lire comme un appel à redoubler d'efforts », décrypte un expert. Mais cet effort, les libéraux refusent de l'assumer seuls, alors que les versements de l'assurance-maladie aux hôpitaux dépasseront de 650 millions d'euros l'objectif fixé cette année. Et que les deux secteurs ne sont pas forcément assujettis aux mêmes règles (prescriptions, AcBUS, gestion de l'ordonnancier bizone).
Juger sur pièces.
Le Dr Michel Chassang, président de la Csmf, reste prudent. « J'attends la confirmation de tous les chiffres. Si les honoraires ont un taux réel de progression proche de 3 %, cela nous met sans doute en situation de respecter les engagements conventionnels et la deuxième vague de revalorisation. »
Le Dr Dino Cabrera, président du SML, est sur la même ligne. « J'ai besoin d'y voir plus clair sur l'effort demandé dans le détail : si on prend davantage sur le médicament et les produits de santé, il peut rester des marges pour les honoraires. Je retiens le discours sécurisant du ministre. »
Comme on pouvait s'y attendre, le Dr Pierre Costes, président de MG-France, n'est pas de cet avis. « L'Ondam sera de 1 % pour la ville, ce qui signifie un objectif négatif pour la médecine générale. On est en plein dans la maîtrise comptable. » Le Dr Jean-Claude Régi, président de la FMF, souligne le paradoxe de la situation. « Le ministre nous dit que les médecins de ville sont sur la bonne voie, que leurs dépenses sont stabilisées, ce qui est exceptionnel. Mais on ne sait toujours pas à quelle sauce les libéraux seront mangés. »
Xavier Bertrand a promis que l'Ondam de la médecine de ville permettrait de tenir les rendez-vous de la convention. A quel prix ?
(1) Les honoraires représentent 37 % du poste des soins de ville, les médicaments, 32 %, et les IJ, 15 %.
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