Les syndicats de médecins généralistes n'entendent pas lâcher la pression. Bien qu'ils aient obtenu - après plus d'un mois et demi d'une grève des gardes largement suivie - l'ouverture de négociations avec l'assurance-maladie sur leurs honoraires, l'Union nationale des omnipraticiens français (UNOF), majoritaire chez les médecins généralistes, et MG-France appellent, chacun à leur manière, à la poursuite de la mobilisation.
Fort du succès de son mouvement entamé le 15 novembre, l'UNOF (la branche généraliste de la Confédération des syndicats médicaux français), qui est, avec le Syndicat des médecins libéraux (SML), à l'origine de la mobilisation, maintient son mot d'ordre de grève des gardes de nuit et de week-end et menace « d'amplifier » la grève s'ils n'obtiennent pas satisfaction. Une journée d'action en collaboration avec SOS-Médecins, qui assure la prise en charge des gardes dans la majorité des grandes villes, est d'ailleurs à l'étude.
De son côté, MG-France, qui refuse officiellement de rejoindre le mouvement de grève organisé par son principal concurrent, entre cependant à son tour dans le mouvement. Il appelle, dans un communiqué alambiqué, les médecins à organiser un « service minimum de garde » sur réquisition préfectorale et confirme son appel au boycottage de la télétransmission des feuilles de soins.
Il revient donc désormais à la Caisse nationale d'assurance-maladie et à son président, Jean-Marie Spaeth, de trouver une issue à ce conflit bien que sa marge de manuvre reste étroite. La ministre de l'Emploi et de la Solidarité, Elisabeth Guigou, qui, depuis le début du conflit, renvoie la responsabilité des négociations tarifaires sur l'assurance-maladie en a d'ores et déjà fixé les limites financières. Elle a souligné qu'une revalorisation des honoraires des médecins généralistes « aurait un coût » et qu'il faudrait « faire attention à ne pas dépasser un certain cadre financier ».
Pas de hausse générale
Quant au président de la CNAM, il a déjà posé le cadre des négociations qui exclut a priori une revalorisation générale du tarif de la consultation. « L'exercice de la médecine n'est pas uniforme sur tout le territoire, et toutes les consultations ne se ressemblent pas. La CNAM est disposée à envisager des tarifs différents de consultations dès lors que leurs contenus différenciés auront été définis sur des bases médicales », a-t-il expliqué. En effet, accéder aux revendications de l'UNOF - à savoir la consultation à 20 euros et la visite à 30 euros - non seulement coûterait, selon les pouvoirs publics, 1,07 milliard d'euros en année pleine à l'assurance-maladie, mais risquerait de déclencher des revendications en chaîne chez les autres professionnels de santé. « Si on augmente les généralistes, il faudra probablement faire la même chose pour les spécialistes, les psychiatres et pourquoi les infirmières ne demanderaient pas la même chose ? », a souligné le directeur de la CNAM, Gilles Johanet, sur Europe 1, la semaine dernière.
Les discussions qui s'ouvriront jeudi porteront donc en principe sur la rémunération de l'astreinte (lorsqu'un médecin généraliste est de garde), de la participation des médecins aux urgences, de la prise en charge de pathologies lourdes, de l'exercice en milieu rural ou encore au sein de réseaux, a indiqué la CNAM. L'indemnisation de la télétransmission et les aides à l'installation dans les zones difficiles devraient également être inscrites au menu des négociations.
Incertitude sur la participation de la CSMF
Un programme qui ne suscite guère l'enthousiasme des syndicats. Au point que la CSMF et sa branche généraliste, l'UNOF, décideront mercredi si elles se rendront ou non à la table des négociations. Elles estiment en effet que seul le gouvernement a aujourd'hui le pouvoir de décider une augmentation de leurs honoraires. « Nous ne sommes pas hostiles, loin de là, à une hiérarchisation des actes du médecin généraliste. Mais le cur du problème, aujourd'hui, c'est la tarif des actes de base du généraliste que sont la consultation et la visite. Leur revalorisation est un préalable à toute discussion », insiste le Dr Michel Chassang, président de l'UNOF. Dans un entretien avec « le Quotidien », le Dr Claude Maffioli, président de la CSMF, fait de la revalorisation de la consultation à 20 euros un préalable à la reprise du dialogue avec l'assurance-maladie.
MG-France, seul syndicat signataire de la convention, revendique depuis longtemps une diversification de la rémunération des médecins généralistes mais reconnaît que de telles discussions « prendront du temps » et réaffirme également « la nécessité d'une revalorisation tarifaire immédiate ». Il demande que le tarif de la consultation passe de 17,53 à 18,5 euros.
L'inquiétude du PS
Dans ce contexte de fortes tensions, le Parti socialiste, inquiet devant l'ampleur du mouvement et l'écho qu'il trouve désormais auprès de l'opinion, souhaite qu'une issue rapide soit trouvée à ce conflit. « Le pire serait de laisser pourrir la situation. Car cela pourrait devenir dangereux sur le plan de la prise en charge médicale et conduire à des dérives tarifaires », estime le Dr Claude Pigement, délégué national à la santé du PS, qui a sûrement en tête les hausses tarifaires unilatérales (donc non remboursées) décidées par les généralistes de certains départements. S'il juge « peu raisonnable » le passage de la consultation à 20 euros, il se dit favorable à une rémunération de l'astreinte des médecins de garde et éventuellement à un petit coup de pouce financier à la consultation et à la visite. L'Ordre national des médecins a également appelé les pouvoirs publics à « comprendre le désarroi de toute une profession » et à « apporter des réponses rapides aux aspirations légitimes des praticiens ». « On aurait pu éviter cette grève si on avait été plus attentifs et s'il y avait eu une réflexion sur le métier de généraliste », a reconnu pour sa part le directeur de la CNAM, Gilles Johanet.
Les négociations anticipent sur le nouveau système conventionnel
La négociation, qui doit s'ouvrir cette semaine entre la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) et les syndicats représentatifs des médecins généralistes libéraux, anticipe juridiquement sur la réforme du système conventionnel. Cette réforme devrait être adoptée par le Parlement au plus tard à la fin de la session parlementaire, le 22 février.
Une proposition de loi, déposée par les députés socialistes Jean Le Garrec, Jean-Marc Ayrault et Claude Evin, doit en effet être examinée jeudi par l'Assemblée nationale en première lecture. Elle reprend les principes de la réforme du système conventionnel qui avaient été inscrits dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2002, puis censurés par le Conseil constitutionnel à la fin de l'année en raison de leur introduction tardive au cours des débats parlementaires.
Au terme d'une concertation de près d'un an avec les professionnels de santé libéraux, le gouvernement souhaitait, à travers le PLFSS, instaurer un nouveau mode de relations financières avec les caisses d'assurance-maladie. Désireux de « tourner la page du plan Juppé », il proposait notamment de supprimer le dispositif des rapports d'équilibre que la CNAM devait présenter tous les quatre mois au gouvernement et surtout celui des lettres clés flottantes (baisse de tarifs des professionnels en cas de hausse des dépenses plus rapide que prévu). Ce système de baisse des tarifs n'aurait été maintenu que pour les professions de santé qui n'auraient pas conclu avec l'assurance-maladie de convention prévoyant notamment des « accords de bon usage des soins » ou des « contrats de bonnes pratiques ». Le texte du gouvernement prévoyait également que les professionnels puissent toucher des rémunérations forfaitaires supplémentaires, notamment pour la permanence des soins ou encore leur participation à des réseaux.
Ce sont ces dispositions qui ont été reprises intégralement dans la proposition de loi déposée par le groupe socialiste.
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