Presque deux mois après le début de leur mouvement de grève des gardes, les généralistes s'apprêtent à vivre une journée décisive à plusieurs titres.
Aujourd'hui, à 10 heures, s'ouvrent en effet, dans un climat lourd et relativement confus, les négociations sur les honoraires avec la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM). Forts de multiples soutiens syndicaux et politiques à droite, mais aussi à gauche (PC, MDC, Lutte ouvrière, députés socialistes), encouragés aussi par la bienveillance de l'opinion publique, les syndicats de généralistes semblent en position de force. Ils réclameront la revalorisation immédiate et uniforme des actes de base, à laquelle le gouvernement ne pourra sans doute pas échapper in fine.
Fer de lance du conflit, l'Union nationale des omnipraticiens français (UNOF), qui aborde la séance « avec la plus grande circonspection », devrait répéter sa principale revendication, préalable à toute négociation : la revalorisation immédiate du tarif du C de 17,53 à 20 euros et du tarif du V de 20,58 à 30 euros. Elisabeth Guigou (qui est intervenue six fois à l'Assemblée nationale lors des questions au gouvernement) a précisé qu'elle n'est pas opposée à une revalorisation des honoraires des généralistes, à condition que l'équilibre de la Sécurité sociale ne soit pas menacé par ces augmentations et que les patients continuent à être convenablement remboursés.
Rappelant au passage que c'est le plan Juppé qui avait institué la maîtrise comptable, elle a renvoyé dans les cordes le délégué santé du RPR, Pierre Morange, qui l'accusait de s'en prendre délibérément à la médecine libérale.
MG-France attend lui aussi de la caisse une « annonce forte » qui comporte un effort sur les tarifs, le syndicat plaidant toujours pour un « C à 18,5 euros ».
Pression sur la CFDT
Jean-Marie Spaeth, président (CFDT) de la CNAM, a dû faire face ces derniers jours à la pression de plus en plus forte des syndicats gestionnaires de l'assurance-maladie (CFE-CGC, CFTC, CGT et FO), qui lui réclament non seulement un geste décent sur les honoraires mais aussi la dénonciation de la convention généraliste signée seulement par MG-France, et jugée moribonde. « Il s'agit de remettre à plat l'ensemble du système conventionnel, d'ouvrir de nouvelles négociations qui mettent tout le monde à égalité et de jeter les bases d'une convention moderne et innovante », résume André Hoguet (CFTC). D'abord très hésitant, le président de la CNAM, fragilisé par le départ du Medef, pourrait se ranger à cette analyse.
Hasard du calendrier, c'est également aujourd'hui que revient en discussion à l'Assemblée nationale, sous la forme d'une proposition de loi socialiste, la réforme du cadre conventionnel que le gouvernement avait ajoutée in extremis dans le PLFSS 2002. Cet article, censuré sur la forme par le Conseil constitutionnel, et rejeté par la majorité de la profession, est un autre cap délicat pour le gouvernement. La réforme prévoit principalement de développer le dialogue conventionnel en exonérant des pénalités collectives (lettres clés flottantes) les professions qui signent des conventions avec l'assurance-maladie.
Tarifs sauvages
Cette accélération du calendrier intervient alors que le mouvement des généralistes continue de se radicaliser localement par le biais d'augmentations « sauvages » des tarifs. A Illkirch-Graffenstaden, près de Strasbourg (Bas-Rhin), quelque 25 médecins généralistes appliquent à leur tour, comme en Corse, dans la Loire-Atlantique, la Manche et la Drôme, une hausse unilatérale de leurs consultations (20 euros). Une vingtaine de médecins de la Côte d'Opale (Pas-de-Calais), constitués en collectif indépendant, facturent également le tarif de 20 euros pour la consultation et de 30 euros pour la visite. Quant aux généralistes de Charente-Maritime, affiliés à l'Union départementale des médecins (UDM), ils ont décidé spontanément d'étendre leur grève à la journée du samedi.
Dans ce contexte, la « journée sans toubib » prévue pour le 23 janvier, et à laquelle La Fédération des médecins de France (FMF) a décidé de s'associer, risque d'être bien suivie. Un autre rendez-vous douloureux pour le gouvernement Jospin.
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