RIEN, PRESQUE RIEN. Ici, c'est la musique qui ne quitte pourtant pratiquement pas la fosse - et les « songs » qui sont mis en scène et chantés dans leur langue originale tandis qu'un système de sur-titrage précis permet de les suivre.
Pas d'effets appuyés, pas de recherche sophistiquée dans les parties parlées, mais un souci constant, de la part de Christian Schiaretti, de mettre en valeur la musique et les chansons. Le fil de la narration se passerait presque des bribes de dialogues. Car, et on n'en a jamais si bien pris la mesure, ici, compte d'abord la musique. C'est elle qui nous parle. Et il s'agit bien d'un opéra...
Bertolt Brecht et Kurt Weill signaient là une œuvre immense et qui s'adresse directement aux spectateurs. Dans la proposition dramaturgique de Christian Schiaretti et son équipe, Renaud de Fontainieu, le scénographe et Annika Nilsson, la costumière, en particulier, rien d'assigné dans le temps. On sait que l'on est à Londres. La discrète présence d'un portable, un moment, ne trouble personne. On est au théâtre et dans une grande histoire qui n'oublie pas qu'elle vient du « Beggar's opera »... Mais il faut saluer le dispositif très souple et impressionnant pourtant du décor, car il permet la mise en scène en cadrages serrés ou amples déploiements.
On l'a dit, les scènes parlées sont brèves, malicieusement mises en scène, drôles. Les comédiens sont excellents et la saveur des dialogues, très drôles et méchants, efficaces, est soulignée.
Acteurs et surtout chanteurs.
Mais ce sont les chanteurs en eux que l'on salue le plus profondément. On retrouve certains des interprètes de « Mère Courage » que Schiaretti avait déjà monté avec l'excellent Jean-Claude Malgoire, essentiel dans la réusssite de l'entreprise. A commencer par Nada Strancar qui compose une Madame Peachum épatante, avec ses cheveux blonds frisotés et ses tailleurs près du corps. Quelle voix, du plus grave au plus aigu, du plus tendre au plus sarcastique et là, Nada Strancar sait trouver la douleur aigre à la Berlinoise qui convient si bien comme le fait Guesch Patti dans les pas de Jenny des Lupanars, fine et si beau timbre. Louons pour son jeu, humain et cocasse, et la fluidité du chant, Charlie Nelson, Monsieur Peachum, formidable. Leur fille ne démérite en rien, c'est la jeune et belle Marie-Sophie Ferdane et les scènes avec sa rivale Lucy, la douce et sûre Ariane Dubillard, sont parfaites.
La troupe des amies de Jenny est bonne : en alternance, notamment, Gisèle Tortérolo, Lucie Boscher, deux noms pour pointer la haute qualité.
Les garçons, Olivier Borle, Smith, Loïc Brabant excellent Matthias, Jörn Cambreleng, très bon Filch, Loïc Puissant, le Pasteur, Gilles Fisseau, Julien Muller, Wolfgang Pissors, savent donner de l'épaisseur à leurs personnages.
Le beau couple, dans « l'Opéra de Quat'sous », c'est le gendarme et le voleur, le faux bon et le vrai méchant, les deux copains d'enfance, le corrompu et le corrupteur...
Jean-Yves Chatelais, carré et inquiet Brown, Tiger Brown, est fin, subtil, et n'oublie pas d'être drôle. Wladimir Yordanoff, Mackie-le-Surineur - lui aussi jouait dans « Mère Courage » - est exceptionnel. On a le sentiment qu'il chante sans aucun effort, il est beau, il bouge bien, il danse, il s'amuse. Et il incarne avec finesse les contradictions du garçon perdu.
Dans la fosse, c'est franc et nuancé, c'est théâtral et enjoué, c'est grinçant lorsqu'il le faut et touchant. A la direction et au piano François Martin, à la trompette Vincent Petit, aux clarinette et saxophone Nicolas Nageotte et Joris Rülh, à l'accordéon Michel Lairot et aux guitare, contrebasse, percussions, trombone, quatre autres excellents musiciens.
Du grand spectacle fédérateur et nécessaire.
Théâtre national de la Colline, à 19 h le mardi, à 20 h du mercredi au samedi, en matinée le dimanche à 15 h. Attention : 3 h 30 entracte compris (2 h 15,15 minutes d'entracte, 1 h). Les représentations commencent impérativement à l'heure. (01.44.62.52.52). Jusqu'au 28 octobre.
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