De notre envoyée spéciale
à Hong Kong
Après une accalmie de cinq mois, un premier cas de SRAS a été détecté à Singapour le 9 septembre chez un chercheur en biologie de 27 ans d'origine chinoise. Il n'avait néanmoins pas effectué de voyage dans ce pays ou à Hong Kong dans les mois précédant l'apparition de la maladie. Ce biologiste qui travaillait au sein d'un laboratoire de recherche sur le virus du Nil n'avait jamais été en contact avec des souches de coronavirus.
La veille, au cours de la 54e conférence annuelle régionale de l'OMS, le porte-parole pour cette région, le Pr Lee Jong-Wook, avait annoncé que les médecins devaient « se préparer à l'éventuelle résurgence de cette pathologie en raison de la baisse des températures favorable à la propagation de cette épidémie ». Pour cette raison, il demandait le renforcement des mesures de surveillance et de détection des éventuels cas dans toute la région.
Des mesures exemplaires à Hong Kong
Cynthia Leung, des Autorités de tourisme de la ville de Hong Kong, explique au « Quotidien » que, « depuis le début de l'épidémie, des mesures strictes de contrôle de température de toutes les personnes entrant sur le territoire - par air, terre ou mer - ont été prises et qu'elles seront prolongées dans les mois à venir ». Tous les points d'entrée dans la ville ont en effet été dotés de détecteurs de température par infrarouge et toute personne dont la température du visage est majorée bénéficie d'un contrôle par une vérification directe auriculaire. Dans la ville, des mesures de désinfection régulières ont été prises par les autorités sanitaires en collaboration avec la population, et tout manquement à l'hygiène est sanctionné - les crachats par terre sont, par exemple, passibles d'une amende de 1 600 dollars hongkongais (soit 220 euros).
A l'hôpital Queen Mary de Hong Kong, des mesures complémentaires ont été mises en place pour accueillir avec une sécurité maximale tous les éventuels porteurs de coronavirus. Les urgences bénéficient d'une double entrée : à gauche, celle des patients qui présentent des signes cliniques pouvant laisser suspecter un SRAS (fièvre élevée, toux, difficultés respiratoires) ; à droite, celle des autres patients. Un deuxième triage est effectué par une mesure systématique de la température. Enfin, la radiographie pulmonaire permet d'orienter les personnes suspectes vers un service aux mesures de protection particulièrement renforcées. Pour le Dr F. W. Cheng, praticien des urgences dans cet hôpital, « l'utilisation du masque est devenue systématique pour tous les soignants dans notre établissement en raison du lourd tribut qu'ont payé les médecins et les infirmières au cours de l'épidémie (386 cas au total dans la ville dont 9 décès) ». Au service des urgences, le personnel travaille maintenant masqué, ganté et vêtu d'une surblouse.
L'ensemble de ces mesures a été particulièrement remarqué par les spécialistes de l'OMS qui cite maintenant Hong Kong comme un exemple à suivre pour limiter la contagion.
Le travail de l'Institut Pasteur
Depuis que le coronavirus a été identifié chez l'homme comme cause de la maladie, de nombreuses équipes de recherche se sont attachées à comprendre l'épidémiologie de la nouvelle affection. A l'institut Pasteur de Hong Kong, les chercheurs se sont fixé pour objectif de comprendre le mécanisme moléculaire et cellulaire impliqué dans la maladie afin d'expliquer comment ce virus proche de celui du rhume induit une inflammation et une nécrose cellulaire. « Nous avons mis en place en collaboration avec les cliniciens du Queen Mary's Hospital et l'université de Hong Kong des programmes de recherche visant à améliorer les outils diagnostiques en phase précoce. Pour cela, nous analysons la surface cellulaire afin de préciser les protéines de surface qui permettent au virus d'infecter les organes et les cellules cibles ; le but étant de mettre au point des thérapeutiques permettant de bloquer la phase d'invasion virale. En outre, la détection de telles protéines pourrait permettre la mise au point de tests diagnostiques fondés sur la reconnaissance des anticorps sécrétés par le patient », explique au « Quotidien » le Pr Ralf Altmayer. Déjà, trois protéines de surface ont été identifiées : les protéines S (pour spike ou spicule), M et E. Leur fonction précise reste à déterminer. Elles pourraient agir soit comme un facteur d'attachement à des récepteurs des cellules cibles, ce qui pourrait en partie expliquer leur gain de fonction par rapport aux autres coronavirus qui infectent l'homme, soit comme un facteur de réponse immunitaire. La détection précise des différentes glycoprotéines de surface pourra permettre d'envisager la mise au point de vaccins recombinants, de tests diagnostiques par détection d'anticorps monoclonaux et de traitements par inhibition de l'entrée du virus dans les cellules cibles.
La civette, un animal à symbolique forte
François Moutou, vétérinaire de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), membre français de la délégation de l'OMS qui a enquêté en Chine sur l'origine du SRAS, détaille pour « le Quotidien » les difficultés rencontrées au cours de la mission d'échantillonnage animal qui s'est tenue depuis le début de l'été. « Plusieurs dizaines d'espèces ont été testées, mais les tests utilisés actuellement n'ont pas été spécifiquement développés pour les animaux : il s'agit de tests humains (PCR ou sérologie par ELISA) appliqués aux animaux. Or, on ne connaît pas le degré de fiabilité des tests utilisés dans de telles conditions ». Le vétérinaire explique en outre que, « au printemps, les autorités chinoises ont interdit à la vente 54 espèces d'animaux sauvages ou d'élevage et cette interdiction a été levée le 15 août sans aucun fondement scientifique. Aucune mesure de surveillance vétérinaire n'a en outre été mise en place dans ce pays. »
La mission de l'OMS qui a eu lieu fin août a consisté en des prélèvements dans le milieu naturel, dans des fermes et sur des marchés de différentes espèces : civette palmiste masquée, chien viverrins, blaireaux à collier, ragondins, cerfs forestiers (animaux de petite taille pesant 10 kg environ et assez proches du chevreuil), lièvres et blaireau, furets chinois. Le but de ce travail est de localiser le réservoir animal et de briser le lien contaminant avec l'homme, de mettre au point des tests animaux spécifiques et de proposer des mesures de surveillance du milieu animal. François Moutou ajoute qu' « il est essentiel de tenir compte de la symbolique en rapport avec la consommation des animaux sauvages en Chine. La civette, par exemple, est consommée en fin d'automne car on lui prête des vertus défensives contre les maladies de l'hiver. Les braconniers capturent donc ces animaux au cours des mois d'automne et les gardent en captivité jusqu'à la période de vente. C'est à cette occasion que des échanges viraux peuvent avoir lieu en raison de la promiscuité entre les animaux ».
David Ho, pionnier du sida, se tourne vers le SRAS
Le 13 mai 2003, le Dr David Ho, pionnier de la recherche contre le sida, annonçait que les premiers tests in vitro d'utilisation du nouvel antiviral T20 semblaient prometteurs dans le cadre de l'infection à coronavirus à l'origine du SRAS. C'est en raison de la similitude entre certaines protéines de surface entre les deux souches virales que ce traitement a été proposé afin d'agir au cours de la phase précoce de la maladie pour limiter la pénétration virale dans les cellules de l'épithélium respiratoire. Ces résultats n'ont pas encore été confirmés et d'autres antiviraux utilisés chez les patients atteints de sida sont aussi à l'essai.
A la fin de juillet 2003, le chercheur américain d'origine chinoise envisageait la mise en place d'un laboratoire de recherche au sein de l'université de Hong Kong en collaboration avec les Drs Peiris et Kwok-Yung.
Des mesures dans le transport aérien : l'exemple de Cathay Pacific
May Lam, directrice de la communication du transporteur aérien Cathay Pacific, spécialisé dans les destinations asiatiques explique au « Quotidien » que, « dès le début de l'épidémie, une directive a été diffusée à l'ensemble du personnel afin de refuser de façon systématique l'embarquement de tout passager présentant des signes de la maladie et d'en référer aux autorités sanitaire locales. Des mesures strictes ont aussi été prises pour la filtration de l'air circulant dans les cabines. Des filtres retenant la grande majorité des agents infectieux circulants sont actuellement utilisés et le volume d'air de l'ensemble de la cabine est changé toutes les trois minutes. Des procédures d'assainissement des appareils ont en outre été mises en place, en se conformant aux recommandations de l'OMS. L'ensemble de ces mesures, qui ont été mises en place dès le début de l'épidémie, seront encore maintenues pour une année au moins ».
Le mystère du bâtiment E d'Amoy Gardens élucidé
Entre le 21 mars et le 3 avril 2003, près de 80 cas de SRAS ont été diagnostiqués chez des habitants d'un même bloc d'une résidence populaire du quartier de Kowloon, à Hong Kong. Il s'agissait majoritairement d'habitants des 7e et 8e étages d'un immeuble qui en compte plus d'une trentaine. Diverses hypothèses ont été évoquées pour expliquer cette contamination : transmission par le système d'eaux usées, par des cafards, par le bouton d'ascenseur, mutation virale...
Durant l'été 2003, les résultats de l'enquête menée par les autorités sanitaires ont permis de mieux comprendre ce phénomène. « Il s'agit d'un concours de circonstances malheureux, plutôt que d'un modèle épidémique reproductif », explique au « Quotidien » le Pr Ralf Altmeyer, directeur de l'institut Pasteur de Hong Kong. Selon la législation de la ville, toutes les salles d'eau des habitations doivent comporter obligatoirement une fenêtre. Dans un territoire où les prix de l'immobilier sont très élevés, pour gagner de la place ces fenêtres donnent la plupart du temps sur des colonnes d'aération très réduites (un mètre de diamètre au plus). Outre leur petite taille, ces colonnes se caractérisent par le fait que les habitants s'en servent pour faire sécher leur linge. Et pour éviter les projections humides des étages supérieurs, le linge est protégé par des bâches en plastique. Dans ce contexte, on conçoit que l'air reste stagnant, humide et chaud. Enfin, c'est par ces colonnes que passe le système des eaux usées qui rejoignent les égouts de la ville. Quant on sait que dans le bâtiment E d'Amoy Gardens, il existait une fuite sur la canalisation des eaux usées au niveau du 9e étage, on comprend aisément comment l'épidémie a pu prendre de telles proportions.
Un habitant du 9e étage a contracté le SRAS en allant voir un membre de sa famille hospitalisé à l'hôpital Prince-de-Galles. Outre la fièvre et les signes respiratoires, ce patient a été atteint d'un syndrome diarrhéique intense. Par la canalisation usagée, des particules virales ont été libérées dans la colonne d'aération. La présence des bâches de plastiques protégeant le linge n'a pas permis de circulation de l'air, ce qui fait que chaque fois que les habitants des appartements du 7e et du 8e étages ouvraient leur porte de palier, il se créait un appel d'air qui avait pour conséquence de faire entrer dans les habitations des particules virales.
Des mesures ont été prises par les autorités pour que de telles contaminations ne se produisent plus.
Dr I. C.
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