Le rapport de la Cour des comptes rappelle que les « organismes agréés » (centres de gestion agréés et associations agréées) ont été créés en 1974 et en 1977 « afin de pacifier les relations entre les travailleurs indépendants et l’administration fiscale ».
Après avoir analysé le fonctionnement de ces organismes, la Cour des comptes émet des critiques sérieuses dont la pertinence n’est pas toujours évidente. Elle estime principalement que « l’amélioration de la sincérité fiscale » des adhérents est difficile à établir. « Des écarts demeurent entre les indépendants et les salariés en matière de sincérité fiscale. » Et ce qu’elle appelle « sous-déclaration » voire « fraude fiscale »« représenterait environ 25 % des bénéfices des entreprises individuelles ».
Certes les contrôles fiscaux montrent que le comportement fiscal des adhérents d’OGA apparaît plus sincère – le bénéfice déclaré est plus élevé et les redressements sont plus faibles – mais la Cour des comptes se demande si cette meilleure sincérité fiscale, qu’elle est bien obligée de constater, résulte des travaux des organismes agréés ou du fait que ce sont les contribuables les plus honnêtes qui adhèrent…
La Cour conteste également l’utilité des « missions annexes » que les associations agréées doivent remplir, c’est-à-dire les missions autres que leur activité purement fiscale : la formation et l’information des adhérents et la mission de prévention des difficultés économiques. En oubliant au passage que tous les adhérents n’ont pas un expert-comptable… Mais pour elle, ces missions annexes ont une « valeur ajoutée incertaine », en clair, elles ne rapportent rien au Trésor public !
Elle s’interroge aussi sur le bien-fondé des « avantages fiscaux accessoires ». Car l’adhésion à une AGA permet non seulement d’échapper à la majoration de 25 % de son bénéfice imposable, mais elle offre également une réduction d’impôt pour les adhérents ayant des recettes inférieures à 32 600 euros et, surtout, depuis 2010, le délai de reprise de l’administration fiscale – c’est-à-dire la période sur laquelle elle peut faire des redressements est passée de trois ans à deux ans. Or pour elle, cette dernière mesure complique l’action de l’administration, « sans avantage évident pour la collectivité ». Là encore, c’est l’aspect financier qui prévaut.
L’administration dans le viseur aussi
L’administration fiscale n’est pas épargnée par la Cour des comptes. Il lui est reproché tout d’abord de ne pas coordonner ses travaux avec ceux des OGA. Elle « ne tient pas compte des contrôles préalables effectués par les organismes agréés pour programmer ses propres contrôles ». Et, bien que ce soit prévu par le livre des procédures fiscales, elle ne communique pas systématiquement aux organismes agréés les résultats de ses propres contrôles fiscaux sur leurs adhérents.
La Cour considère en outre que l’administration ne contrôle pas suffisamment les OGA, les audits effectués lui paraissant « relativement formels », et qu’elle n’utilise pas suffisamment la sanction du retrait d’agrément !
Quelques bons points
Fort heureusement, la Cour des comptes relève des aspects positifs dans l’action des organismes agréés. Notamment parce qu’ils exercent une « fonction utile d’intermédiation fiscale ». Le rapport indique que « la contribution la plus importante » des organismes agréés réside dans leur rôle « d’interface entre l’administration fiscale et les entrepreneurs individuels. Cette fonction a permis, dès l’origine, de pacifier les relations entre l’administration et les petits entrepreneurs. »
En outre, « en matière de gestion de l’impôt, les travaux des organismes agréés permettent un allégement du coût pour l’administration fiscale » en intervenant en aval et en amont des déclarations fiscales. Ils contribuent également au respect des délais de dépôt de ces déclarations et à leur dématérialisation.
Résultat : malgré un « bilan mitigé », la Cour considère que « la suppression du dispositif n’apparaît ni souhaitable ni envisageable » mais à la condition que soit effectuée une « réorientation profonde de ce dispositif vers davantage de valeur ajoutée pour la collectivité », c’est-à-dire que l’action des organismes agréés entraîne une augmentation notable du bénéfice déclaré jusqu’à maintenant par les travailleurs indépendants !
Trois séries de mesures
Le rapport propose trois séries de mesures pour parvenir à ce résultat, la plus importante étant de « recentrer l’activité des organismes agréés sur leurs missions fiscales ». Le but est clairement affiché : il faut améliorer la sincérité fiscale des déclarations des adhérents. Pour cela, la Cour recommande d’étendre les vérifications des OGA à de nouveaux impôts ainsi qu’aux pièces justificatives des dépenses. Elle propose de rendre facultatives les missions annexes des organismes agréés (formation et dossier d’analyse économique).
Autre mesure : la suppression des avantages fiscaux accessoires comme la réduction d’impôt pour les frais de comptabilité ou la réduction du délai de reprise qui coûtent de l’argent au lieu d’en rapporter !
Enfin les OGA et l’administration sont invitées à « rationaliser le fonctionnement du système » de façon à « dégager des marges de manœuvre suffisantes » pour permettre aux organismes agréés de « se recentrer sur leurs missions fiscales à plus forte valeur ajoutée ».
L’objectif est clair : il faut faire rentrer le maximum d’argent dans les caisses de l’État.
Vérifications des pièces justificatives, extension des vérifications à de nouveaux impôts, quasi-abandon des missions de formation et d’information, contrôles accrus de l’administration, suppression des avantages fiscaux, on est bien loin de l’esprit qui animait les fondateurs des OGA il y a quarante ans… L’aspect associatif est bien oublié et les organismes agréés risquent de devenir une simple annexe des services des impôts.
Car l’administration semble bien décidée à mettre en œuvre très rapidement les recommandations de la Cour des comptes. Une réunion s’est déjà tenue à Bercy avec les fédérations d’organismes agréés le 30 septembre et des groupes de travail portant sur les évolutions des missions des OGA devront avoir terminé leurs travaux pour la mi-novembre. Les mesures retenues pourraient être comprises dans la loi de finances rectificative pour 2014.
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