LA DIPLOMATIE française a été efficace. En dépit de « révélations » faites par certains médias, notre armée n'est pas intervenue dans le conflit ; et c'est une première. Pour la première fois, la France n'a pas systématiquement soutenu un régime en place. La meilleure preuve de cette réserve, c'est la proposition que Nicolas Sarkozy a faite à Idriss Déby de l'extraire de son palais encerclé : de toute évidence, notre gouvernement a pensé, pendant un jour ou deux, que la rébellion l'avait emporté. Quoi qu'on puisse penser de M. Déby par ailleurs, il faut admettre qu'il s'est comporté en chef de guerre et, loin de s'enfuir comme quelques-uns de ses ministres, il a résisté dans un mouchoir de poche, sachant, peut-être mieux que personne, que les insurgés perdraient la bataille si elle durait deux jours de plus.
Les forces françaises au Tchad ont assuré un suivi humanitaire ; elles ont évacué quelques centaines de Français et d'étrangers dans des conditions parfaites de sécurité et en dépit de combats meurtriers. C'est pourquoi elles ont tenu l'aéroport sans lequel toute évacuation eût été impossible : les rebelles ont en effet déclaré qu'ils s'étaient heurtés à l'armée française à l'aéroport. Mais ce sont les mêmes qui, après avoir déclenché un chaos inutile, ont proposé un cessez-le-feu, «pour ne pas accroître les souffrances du peuple tchadien».
Sur le plan diplomatique, la France a très vite demandé l'appui du conseil de sécurité de l'ONU pour une éventuelle intervention et, surprise, elle a obtenu sans difficulté le feu vert de l'organisation mondiale. Car personne n'était dupe. Les rebelles venaient du Soudan qui les a envoyés à N'Djaména pour déposer Idriss Déby et rendre nul et non avenu le projet d'EUFOR, cette force européenne qui doit protéger les habitants du Darfour.
Si certains experts de l'Afrique saluent la stricte application des textes bilatéraux franco-tchadiens, d'autres continuent de penser que la France continue de protéger ses intérêts au Tchad. C'est bien possible. Il n'empêche que c'est la France qui apporte le contingent le plus important à l'EUFOR. Nos partenaires européens nous reprochent souvent nos relations privilégiées avec les anciens pays coloniaux. Mais quand ils doivent envoyer des soldats dans le cadre d'une force onusienne, ils ne sont pas prompts à prendre leurs responsabilités. S'il est vrai que, dans le passé, nos gouvernements successifs ont conservé avec des régimes africains rarement démocratiques des relations privilégiées, un effort de retenue a été cette fois fourni. Et un effort dangereux, car la chute de Déby risquait de remplacer l'influence française par l'influence libyenne ou soudanaise et aurait compromis la création de l'EUFOR.
LE MEILLEUR PARTI D'UNE CRISE TRES SERIEUSE
Sarkozy inspiré.
L'offre d'évacuation faite au président tchadien montrait en outre que la France se résignait par avance à ce piètre résultat, en dépit de ses conséquences néfastes.
En revanche, dès que la victoire a changé de camp, la France s'est hâtée de dépêcher le ministre de la Défense Hervé Morin à N'Djaména. Reconnaissant, Idriss Déby, sans doute à la demande de notre gouvernement, s'est empressé de dire qu'il n'était pas question de renoncer à l'EUFOR. Dans son pays pauvre et dévasté de surcroît, il ne peut pas se permettre de tenir à distance son meilleur allié.
Nicolas Sarkozy a eu, dans cette affaire, l'inspiration et la rapidité d'action qui lui réussissaient naguère et dont il manque aujourd'hui dans les affaires nationales. Il a fait dire par Idriss Déby que si les condamnés de l'Arche de Zoé lui adressaient une demande de grâce, le président tchadien la considérerait avec bienveillance. Ces six personnes, condamnées au Tchad à huit ans de travaux forcés, ont été transférées en France où leur peine a été commuée en huit ans de prison. Pour l'opinion publique et en l'état du dossier, cette condamnation semble excessive, d'autant que les responsabilités ne sont pas les mêmes selon les individus. Peut-être a-t-on eu le sentiment en France que notre respect de la souveraineté tchadienne, qui n'est pas dépourvu d'une once d'hypocrisie, coûtait décidément très cher aux membres de l'Arche de Zoé. Leurs avocats se sont dépêchés d'adresser à M. Déby des demandes de grâce qui ont été centralisées à l'Elysée et transmises au Tchad. Il n'était pas impossible que la grâce fût prononcée pendant le week-end.
Le bilan de cette courte guerre n'est pas vraiment favorable au Tchad qui a beaucoup souffert des combats : des centaines de morts, des milliers de blessés ; de nombreux Tchadiens se sont enfuis à Libreville. Le Tchad n'est pas riche, et ses infrastructures ont souffert de la bataille. La France, pour sa part, a agi avec sang-froid et, alors que rien n'allait plus, a su tirer le meilleur parti de la crise tchadienne.
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