SITUÉE à l'est de la Papouasie, l'île de la Nouvelle-Irlande forme, avec la Nouvelle-Bretagne et une constellation d'autres atolls plus petits, l'archipel Bismarck. Les premières populations y apparurent il y a quelque 35 000 ans, et c'est entre 1850 et 1914 que l'Australie et les sociétés occidentales (surtout l'Allemagne, qui colonisa la région jusqu'en 1914, avant que la Nouvelle-Irlande ne devienne un protectorat de la Société des nations sous l'autorité de l'Australie) commencèrent à s'intéresser à ces civilisations, à en collecter les oeuvres et à les collectionner.
L'exposition du quai Branly, imaginée par les commissaires Philippe Peltier et Michael Gunn, réunit un très bel ensemble d'objets rituels, masques, sculptures, pirogues… Outre la qualité esthétique de ces objets, Peltier et Gunn ont également tenté de livrer une vision ethnographique de ces sociétés complexes et méconnues. Les connaissances étant très peu avancées sur les civilisations de la Nouvelle-Irlande, le piège était d'imaginer un contexte social et historique approximatif. Les deux spécialistes ont évité d'y tomber. Ils proposent un parcours géographique qui commence par une introduction sur les sociétés et les formes du pouvoir en Nouvelle-Irlande. Y sont évoqués les échanges (des coutumes, des styles artistiques) avec la Nouvelle-Bretagne par voie maritime. On découvre les premiers masques de l'exposition, ceux des tribus Lorr et Kipong, utilisés lors de danses masquées comiques et volontiers grivoises. Au sud de l'île, régnait la société secrète Tubuan (les masques de cette population n'ont pas été trouvés mais ils sont évoqués dans une séquence chorégraphique filmée). Au centre de l'île, les masques de tapa (écorce) étaient très répandus. Avec audace, les artistes utilisaient tous les matériaux possibles pour figurer les différentes parties d'un visage ; ils fabriquaient des « portraits » de défunts, des figures en bois polychrome (voir les remarquables Patpatar et Barok).
Mais c'est surtout dans la Nouvelle-Irlande du Nord que l'iconographie, les rituels et la production artistique étaient les plus riches. On remarquera la série des Uli, grandes figures imposantes que l'on exposait pendant les rituels funéraires, ainsi que les objets présidant à l'initiation des femmes, et surtout les sculptures dites « malagan », dont on se servait pour les cérémonies éponymes (magnifique ensemble de sculptures anthropomorphes, zoomorphes, de frises, de grands poteaux, de masques, de vanneries…). La fin de l'exposition fait la lumière sur les rituels funéraires. On découvre cinq crânes surmodelés, conformes au rituel qui voulait qu'après la mort d'un homme, son crâne soit surmodelé et peint afin de lui redonner une apparence vivante.
On admirera cette myriade d'objets fabriqués dans du coquillage ou dans de l'écaille de tortue, on se perdra dans la magie de ces oeuvres fascinantes : figures en calcaire, panneaux architecturaux aux motifs virtuoses, pirogues, instruments de divination en plumes, masques en bois sculpté et peint ou en écorce, ornés de poissons, de demi-lunes, d'esprits, d'oiseaux, de motifs circulaires... Un art à découvrir à tout prix !
Musée du quai Branly, 206 et 218, rue de l'Université ou 27, 37 ou 51 quai Branly. Paris 7e. Tél. 01.56.61.70.00. Du mardi au dimanche de 10 heures à 18 h 30. Entrée : 8,50 euros (TR : 6 euros). Catalogue, 350 p., 45 euros, Coédition musée du quai Branly/5 Continents.
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