De notre correspondante
à New York
Depuis l'introduction du dépistage des produits sanguins par les tests sérologiques pour le virus de l'hépatite C (VHC), moins de 10 % des nouvelles infections sont causées par la transfusion de sang contaminé. Mais les nouvelles infections continuent de survenir par des voies telles que la toxicomanie I. V., la transmission sexuelle (principalement en cas de partenaires sexuels multiples), les accidents professionnels (piqûre d'aiguille) et les interventions chirurgicales.
L'hépatite C aiguë évolue vers la chronicité dans 50 à 84 % des cas. Or, si l'hépatite C chronique est une affection qui évolue très lentement et insidieusement, pour autant qu'elle évolue, chez environ un quart des patients, elle évolue vers une cirrhose terminale, avec un délai moyen de trente ans après la contamination. C'est, aux Etats-Unis, l'indication la plus courante de transplantation hépatique. Le traitement de l'hépatite C chronique par la stratégie récemment mise au point de bithérapie avec peginterféron alpha-2a ou 2b et ribavirine, élimine le virus dans seulement 54 a 56 % des cas d'infection chronique. Une autre approche pourrait être de traiter précocement l'infection aiguë dans le but de prévenir la progression. Plusieurs études ont suggéré l'effet bénéfique de l'interféron, mais toutes présentaient des limites importantes. Une grande étude prospective avec un groupe représentatif de patients était par conséquent nécessaire.
Une vaste campagne pour enrôler des patients
Jaeckel et coll. ont mené une telle étude sur tout le territoire allemand, entre 1998 et 2001. Pour enrôler un nombre important de patients, ils ont distribué des brochures un peu partout avec des recommandations pour dépister l'infection VHC après suspicion d'exposition au VHC.
Les patients enrôlés avaient une hépatite C aiguë, avec virémie VHC positive (PCR) et taux élevés de transaminases (ALAT). Pour que l'infection soit considérée comme aiguë, il fallait au moins un des critères suivants : exposition au VHC soupçonnée ou connue dans les quatre mois précédents, séroconversion positive anti-VHC documentée, ou ALAT supérieures à 350 U/L avec des ALAT normales l'année précédente.
Divers patients ont été exclus (en raison par exemple de maladie hépatique décompensée ou non liée au VHC, insuffisance rénale ou thyroïdienne, infection par le VIH ou le VHB, poursuite de la toxicomanie I. V. ou de l'alcoolisme).
Les patients enrôlés ont reçu 5 millions d'unités (5 MU) par jour d'interféron alpha-2b pendant quatre semaines, puis 5 MU trois fois par semaine pendant vingt autres semaines.
Quarante-quatre patients ont été traités (dont 25 femmes ; âge moyen : 36 ans). Quatorze patients avaient été infectés par le VHC par piqûre d'aiguille, 10 par exposition sexuelle, 9 par autoinjection de drogues I. V., et 7 par geste chirurgical ; le mode d'infection n'a pas pu être déterminé pour 4 patients.
Le délai moyen entre l'infection et les premiers symptômes de l'hépatite a été de 54 jours, et le délai moyen entre l'infection et le début du traitement a été de 3 mois. Tous ont bien toléré le traitement, sauf un qui a dû l'arrêter après douze semaines (chute de cheveux et symptômes grippaux).
L'ARN du VHC est devenu indétectable
A la fin du traitement, ainsi qu'à la fin du suivi (six mois après la fin du traitement), 42 des 43 patients n'ont plus des taux décelables d'ARN VHC dans le sérum et ont des taux d'ALAT normaux. Les taux d'ARN VHC sont devenus indécelables en moyenne trois semaines après le début du traitement.
« Il est probable que 30 % de nos patients auraient eu une maladie spontanément limitée », notent les investigateurs ; mais il n'existe aucun moyen d'identifier ces patients au départ. « Puisque le traitement actuel pour l'infection par le VHC chronique élimine le virus dans seulement la moitié des cas, nous suggérons que tous les patients qui ont une hépatite C aiguë soient traités », concluent les auteurs.
« New England Journal of Medicine » du 15 novembre 2001. Etude mise en ligne le ?? octobre sur www.nejm.org
Un spécialiste : « L'intérêt de traiter les formes aiguës est net »
« Le Quotidien » a demandé à un spécialiste, le Dr Claude Eugène, de replacer les résultats de l'étude du « New England Journal of Medicine » dans le contexte des connaissances sur l'hépatite C. « L'intérêt de traiter les formes aiguës est net », explique-t-il, rappelant qu'il n'y a toutefois pas d'AMM.
Des résultats concernant la thérapeutique par interféron (IFN) en monothérapie d'une cohorte importante de malades traités au stade de l'hépatite aiguë sont importants à connaître et méritent d'être replacés dans le contexte actuel de l'hépatite C et de son traitement. Plusieurs points doivent être soulignés.
L'hépatite aiguë C est rarement rencontrée en pratique, car elle est le plus souvent asymptomatique ou prend l'aspect d'une grippe. Il faut y penser, notamment chez les toxicomanes (I.V. ou par paille intranasale) ou en cas de piqûre septique (lors d'un recapuchonnage d'aiguille, par exemple, ce qui est encore trop souvent fait). La contamination sexuelle est rare, surtout au sein des couples « stables », sauf cas particuliers (rapport au moment des règles, lésions des muqueuses génitales).
Le diagnostic repose sur la surveillance des transaminases (ALT) et la réalisation d'une sérologie. L'apparition des anticorps peut être retardée par rapport à l'augmentation des ALAT. En cas de suspicion d'hépatite aiguë, on aura donc recours à la recherche de l'ARN du VHC par PCR.
L'histoire naturelle de l'hépatite C est maintenant assez bien connue avec, en particulier, un passage très fréquent vers la chronicité (de 75 à 85 % des cas). La guérison spontanée est donc rare, et on sait que le traitement des formes chroniques pose bien des problèmes. Et il est important de rappeler les résultats et les servitudes du traitement des formes chroniques :
- l'IFN en monothérapie ne donne que 15 à 20 % d'éradication virale prolongée, c'est pourquoi on l'associe actuellement à la ribavirine, sauf en cas de contre-indications. Ces contre-indications sont liées notamment à l'anémie par hémolyse qu'entraîne habituellement cette molécule (hémoglobinopathie, insuffisance coronaire...). Il faut savoir aussi qu'il faut absolument éviter une grossesse pendant toute la durée du traitement (de six mois à un an) et pendant les quatre à sept mois (selon le sexe du malade traité) après son interruption ;
- la bithérapie (IFN et ribavirine) a cependant été un net progrès pour ce qui est des résultats. C'est encore plus net avec l'association interféron pégylé (IFN-PEG) (plus efficace avec une seule injection par semaine) et ribavirine. Nous voudrions rappeler les résultats obtenus avec le traitement « maximal » (qu'il n'est pas toujours possible de faire en raison des effets secondaires), à savoir, IFN-PEG : 1,5 μg/kg/semaine et ribavirine : dose > 10,6 mg/kg/jour pendant 48 semaines. Les résultats dépendent (comme cela est habituel) avant tout du génotype (G) et de la charge virale (CV). Ainsi, on obtient (au mieux) les taux de réponse prolongée (persistant six mois après l'arrêt du traitement) suivants : a) tous génotypes confondus = 61 %, b) G1 = 48 %, c) G1 et CV faible = 71 %, d) G1 et CV élevée = 37%, e) G2 et 3 = 88 %.
L'intérêt de traiter les formes aiguës est donc net. Pour les raisons suivantes. On a vu que : a) Le passage à la chronicité est très fréquent ; b) En dehors des génotypes 2 et 3, le traitement reste long (48 semaines) et aléatoire. Les problèmes restent donc les suivants. Il n'y a pas actuellement d'AMM. Cependant les dernières conférences de consensus sur l'hépatite C ont conclu à l'intérêt de traiter les formes aiguës. L'autre problème est de savoir quand (avec quel degré d'urgence) et comment traiter. Il n'y avait jusqu'ici que suggestions d'écoles faute d'études contrôlées et/ou portant sur un nombre suffisant de malades : IFN seul, IFN plus ribavirine, de doses et de durées variables. D'où l'intérêt indiscutable de la présente étude. Elle porte en effet sur un nombre important de malades et montre qu'une monothérapie par IFN « vigoureuse » mais « courte » permet, dans cette situation, un pourcentage très élevé d'éradication virale prolongée.
Hépato-gastro-entérologie, CHI de Poissy - Saint-Germain-en-Laye.
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