La Cour de cassation avait toujours rejeté les demandes d’indemnisation intentées contre les fabricants de vaccins contre l’hépatite B . Elle avait notamment affirmé dans un arrêt en date du 27 février 2007 (www.legeneraliste.fr) que « en l’état actuel des connaissances scientifiques, il n’y a pas lieu de présumer que la survenance de la sclérose en plaque est imputable au vaccin contre l’hépatite B ». Puis deux arrêts rendus le 22 mai 2008 ont opéré un revirement de jurisprudence spectaculaire.
La première affaire concerne un brancardier d’une clinique qui avait reçu, entre mars 1993 et mai 1993, une vaccination obligatoire par le Genhevac B. Victime d’une sclérose en plaques, il a obtenu une indemnisation de la part de l’Etat (par l’ONIAM), au titre de l’article L. 3111-9 du Code de la santé publique, et une prise en charge de sa pathologie par la CPAM de la Sarthe. Il a ensuite cherché à engager la responsabilité des laboratoires Sanofi, Pasteur, MSD. Il a été débouté de sa demande le 30 mars 2005 par la Cour d’appel d’Angers qui a décidé que, en l’absence d’explication causale scientifique ou même de lien statistique évoquant une probabilité suffisante de la causalité entre la maladie et la vaccination, il ne saurait être question de recourir à une quelconque présomption.
La seconde affaire concerne un jeune homme d’une vingtaine d’années, vacciné par son médecin le 22 novembre 1997 avec l’Engerix B et dont les troubles apparus peu après ont conduit, en juin 1998, au diagnostic d’une maladie démyélinisante de type sclérose en plaques. Il a recherché la responsabilité du médecin ayant pratiqué la vaccination ainsi que celle des laboratoires Glaxo-SmithKline. Il a lui aussi été débouté par un arrêt de la Cour d’appel de Toulouse en date du 9 mai 2005. La Cour d’appel a relevé que le collège d’experts indiquait que l’étude des cas notifiés, les données de pharmacovigilance et les analyses de cas témoins ne permettaient pas d’affirmer de façon certaine l’existence d’une relation entre la vaccination contre l’hépatite B et la survenance d’une sclérose en plaques. La Cour d’appel a décidé que « la seule éventualité d’un risque d’apparition de la maladie en relation avec la vaccination litigieuse ne pouvait suffire à démontrer le lien de causalité directe ».
Ces deux décisions étaient en pleine cohérence avec la jurisprudence de la Cour de cassation. Or ces décisions sont toutes deux censurées par la Cour de cassation, les deux affaires étant renvoyées devant la Cour d’appel de Paris.
Un lien de causalité présumé
Pour censurer les décisions attaquées, la Cour de cassation décide que « si l’action en responsabilité du fait d’un produit défectueux exige la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité entre le défaut et le dommage, une telle preuve peut résulter de présomptions, pourvu qu’elles soient graves, précises et concordantes ». Une telle formule est, en son principe, pleinement conforme à la règle de l’article 1353 du Code civil. Ce texte, en effet, permet d’utiliser la technique de la présomption pour établir le défaut du produit et l’existence d’un lien de causalité entre un défaut du produit et un dommage.
Il n’en demeure pas moins que ces décisions opèrent un spectaculaire revirement de jurisprudence. En admettant ainsi le recours à la présomption comme mode de preuve du lien de causalité entre la vaccination et la survenance de l’hépatite B, la Cour de cassation prend l’exact contre pied de sa propre jurisprudence antérieure. Elle aligne ainsi sa jurisprudence sur celle du Conseil d’Etat (qui est compétent en qualité de juge de cassation pour les affaires concernant la responsabilité des hôpitaux publics). Dans une décision rendue le 9 mars 2007, le Conseil d’Etat a décidé que l’existence du lien de causalité entre le vaccin contre l’hépatite B et la survenance de la sclérose en plaques pouvait être établie par voie de présomption, au vu des circonstances de l’espèce.
Il faut ajouter que cette nouvelle jurisprudence soulève certaines interrogations. On peut notamment s’interroger sur les conditions qui permettent de présumer l’existence d’un lien de causalité entre la vaccination et la survenance de la maladie. A cet égard, la chronologie des faits paraît jouer un rôle prépondérant : dans toutes les affaires où la responsabilité des laboratoires a été retenue, les juges ont relevé que les signes cliniques de la maladie sont apparus quelques semaines après la vaccination. Cette simple observation chronologique peut-elle suffire à caractériser la présomption de causalité en application de l’article 1353 du code civil ? Telle est la principale question posée à la Cour d’appel de Paris, qui a été désignée comme cour de renvoi dans ces deux affaires.
Christophe Lachièze
Maître de conférences en droit privé,
Consultant
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature