De notre correspondante
à New York
« Notre prochain objectif est de chercher à exprimer des ARNi par des vecteurs viraux qui pourraient être utilisés dans des essais cliniques », confie au « Quotidien » le Dr Mark Kay, de la Stanford University School of Medicine, en Californie, qui a dirigé les travaux. « Des essais cliniques pourraient débuter dans deux ou trois ans environ. Nous sommes d'un optimisme prudent. Les ARNi sont plus efficaces que les autres molécules que nous avons testées, parmi lesquelles les ribozymes et les DNAses. »
Les ARN interférents, découverts pour la première fois chez le ver C. elegans en 1998, sont des petits ARN double brin capables de se fixer à un ARN messager de séquence homologue et de provoquer sa destruction.
La protection contre les virus
A l'origine, les ARNi devaient jouer un rôle dans la protection contre les virus : en se fixant aux ARN viraux, ils permettaient leur destruction. Mais ce rôle a disparu chez l'homme. Les ARNi interviennent encore dans la régulation de l'expression de certains gènes.
Ces petites molécules soulèvent un grand intérêt. En théorie, des ARNi synthétiques pourraient être introduits dans les cellules afin d'inactiver l'expression du ou des gènes causant certaines pathologies. Ils pourraient offrir, par exemple, une nouvelle approche antivirale.
Plusieurs équipes ont montré que la réplication virale peut être inhibée en culture en utilisant des ARNi synthétiques ciblant certains gènes viraux. Mais cela n'avait pas encore été mis en évidence, in vivo, chez le mammifère.
Une équipe américaine, Mc Caffrey, Kay et coll., montre qu'il est possible d'inhiber la réplication virale avec des ARNi dans un modèle de réplication du virus de l'hépatite B (VHB), chez la souris. Dans ce modèle, la souris est transfectée avec des plasmides contenant le génome du VHB.
Les chercheurs ont testé 7 ARNi synthétiques. Chacun cible l'ARN prégénomique qui sert de matrice à la réplication génomique du VHB, ainsi que l'ARNm de l'antigène de la nucléocapside et de la polymérase.
Inhibe la réplication du VHB
L'injection intraveineuse des ARNi (exprimés par des plasmides) chez la souris inhibe considérablement la réplication du VHB, comme en témoignent 4 mesures :
- les ARN VHB dans le foie sont fortement réduits :
- l'ADN génomique du VHB hépatique devient indétectable ;
- les taux d'AgHbs (antigène de surface) sériques baissent de 85 % ;
- le nombre d'hépatocytes contenant l'AgHBc (antigène de la nucléocapside) est réduit de plus de 99 %.
« Il est clair, d'après notre étude, que l'inhibition de la réplication virale par les ARNi est possible chez les mammifères », constatent les chercheurs.
Cette approche est prometteuse non seulement dans l'hépatite B, mais aussi dans les autres infections virales.
« Six des 7 ARNi inhibiteurs testés ont présenté un effet antiviral contre le VHB et deux se sont révélés très puissants », précisent les chercheurs. Toutefois, de récentes études in vitro« suggèrent que plusieurs séquences virales doivent être ciblées simultanément afin de prévenir l'émergence de souches résistantes ».
Une récente étude (« le Quotidien » du 11 février 2003) a montré que l'injection d'ARNi ciblant le gène Fas protège la souris contre l'hépatite fulminante expérimentale.
Ainsi, il serait possible d'utiliser des ARNi pour inhiber non seulement la réplication du VHB mais aussi pour inhiber ou supprimer la fibrose associée au développement de la cirrhose hépatique.
« Nature Biotechnology », 12 mai 2003, DOI : 10.1038/nbt824.
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