De notre correspondante à New-York
« I L est très encourageant de voir que ce traitement est sûr, qu'aucun patient n'a développé de réponse immune au facteur VIII, ni développé d'effets secondaires provenant des cellules modifiées génétiquement », observe dans un communiqué le Pr David Roth (Beth Israel Deaconess Medical Center, Boston), qui a dirigé cet essai. « Il faut encore étudier ces patients, ainsi que d'autres, avant de passer à des études évaluant l'efficacité, mais nous sommes optimistes sur la base des réponses cliniques que nous avons observées, en particulier les élévations modestes de l'activité du facteur VIII obtenues à ce stade précoce. »
L'hémophilie A, un trouble hémorragique lié au chromosome X, est, due à des mutations du gène du facteur VIII de la coagulation. Elle touche 1 garçon sur 5 000. Elle est sévère chez environ 60 % des patients, avec un taux d'activité du facteur VIII inférieur à 1 % du taux normal et des hémorragies spontanées fréquentes dans les tissus mous, les muscles et les articulations. Elle est modérée ou légère chez les autres patients, avec des hémorragies qui ne surviennent qu'après traumatisme ou chirurgie.
Les patients sévèrement atteints reçoivent l'administration prophylactique de facteur VIII - sous forme de produits plasmatiques humains ou de protéine recombinante synthétisée sur cultures tissulaires. Ces produits, malgré les progrès en matière de sécurité, restent associés à un risque d'infection. Les hémophilies sont de bonnes candidates à la thérapie génique : la délivrance des facteurs dans la circulation sanguine ne nécessite pas l'expression du gène par un organe spécifique ; le large indice thérapeutique des facteurs minimise le risque d'overdose et même une légère augmentation des taux circulants du facteur VIII, au-dessus de 1 %, pourrait transformer une maladie sévère en une forme modérée.
L'approche dite « transcaryotique »
Roth et coll. ont évalué la sécurité d'une approche de thérapie génique non virale ex vivo. L'approche dite « transcaryotique » consiste à prélever, par une petite biopsie de peau chez les patients, des fibroblastes et à introduire dans ces cellules mises en culture, au moyen d'un choc électrique (électroporation), un plasmide contenant le gène du facteur VIII (une portion seulement). Les cellules transfectées sont ensuite clonées et caractérisées. Puis un seul clone des cellules modifiées est implanté dans le repli du péritoine du patient par injection laparoscopique.
Six patients sévèrement atteints d'hémophilie A (facteur VIII < 0,8 % de la normale) ont été traités dans un essai ouvert de phase 1. Les investigateurs décrivent les résultats après un suivi de 1 an. La procédure d'implantation n'a été liée à aucun incident sérieux et les cellules modifiées sont bien tolérées. Aucun inhibiteur du facteur VIII n'est apparu durant l'étude. En outre, les résultats suggèrent la possibilité d'efficacité clinique.
Chez 4 des 6 patients, les taux plasmatiques du facteur VIII se sont élevés. Cette élévation s'est accompagnée d'une amélioration clinique, avec des saignements spontanés moins fréquents et/ou une réduction dans l'utilisation du facteur VIII pour traiter les épisodes hémorragiques.
Deux patients ont présenté des taux supérieurs à 1 % de la normale, un seuil considéré comme thérapeutique. Toutefois, après un certain temps, les taux du facteur VIII ont diminué, et ils ne sont plus détectables à 10 mois, sauf chez un patient.
Cette approche de thérapie génique non virale ex vivo présente plusieurs avantages par rapport à une approche de thérapie génique virale. Par exemple, l'administration au patient d'une seule population clonale de cellules contenant une seule modification génétique minimise le risque de mutagenèse par insertion.
« Le choix de l'administration intrapéritonéale est problématique pour plusieurs raisons », notent dans un éditorial Miller et coll. (université de Seattle, WA), et « l'impossibilité de récupérer les cellules pour les analyser laisse de nombreuses questions importantes sans réponse ». Néanmoins, ajoutent-ils, « en dépit de ces questions, ces résultats sont prometteurs. Avant cette étude, des taux mesurables de facteur VIII n'ont pas été obtenus par thérapie génique chez l'homme ».
« New England Journal of Medicine »,7 juin 2001, pp. 1735 et 1782.
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