D ANS la prise en charge des patients ayant une hémiplégie provoquée par un accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique, la physiothérapie est fondée sur des exercices répétitifs destinés à améliorer les fonctions motrices. Résultat : on assiste à des modifications de la représentation motrice corticale, que l'on peut maintenant observer par des techniques d'imagerie fonctionnelle (tomographie à émission de positrons, IRM fonctionnelle). Mais peut-on améliorer les résultats de la physiothérapie par une intervention médicamenteuse et, si oui, laquelle ?
La norépinéphrine
On sait que des neurotransmetteurs spécifiques sont particulièrement importants dans la plasticité cérébrale. Par exemple, les catécholamines jouent un rôle important dans le développement cérébral postnatal ; autre exemple : chez l'animal adulte, la plasticité cérébrale est modulée par l'injection systémique ou intraventriculaire d'amphétamines et de noradrénaline. En revanche, utilisées sans physiothérapie, les amphétamines n'ont pas de réelle efficacité.
La stimulation de la récupération motrice semble être liée à un accroissement de la norépinéphrine au niveau de la synapse, ce qui stimule les récepteurs correspondants.
Peu d'études ont été effectuées chez l'homme. Il faut dire que la norépinéphrine fait redouter de graves conséquences cardio-vasculaires ; de plus, on ne peut pas exclure une dépendance physique et psychique. Or il existe un moyen d'accroître la norépinéphrine naturelle : la lévodopa, qui est métabolisée dans le cerveau en dopamine, laquelle est convertie en norépinéphrine au taux de 5 %. En périphérie, le métabolisme est bloqué par un inhibiteur de la décarboxylase qui ne traverse pas la barrière hémato-méningée.
L'équipe de l'Allemand Klaus Scheidtmann a donc voulu savoir si la lévodopa, donnée avant chaque séance de physiothérapie, peut améliorer la récupération motrice.
Les chercheurs ont donc enrôlé, dans un essai randomisé en double aveugle contre placebo, 53 patients ayant un AVC primaire (infarctus cérébral thromboembolique vérifié radiologiquement), admis dans leur centre de rééducation. Tous les AVC étaient survenus entre trois semaines et six mois auparavant. Ont été exclus les patients ayant une dépression majeure ou mineure et ceux qui étaient traités par un inhibiteur de la recapture de la sérotonine ou un antidépresseur tricyclique.
Pendant les trois premières semaines, de façon randomisée, les patients ont reçu soit de la lévodopa, 100 mg le matin, au moins trente minutes avant la physiothérapie, associée à un inhibiteur de la décarboxylase - la carbidopa -, soit un placebo. Dans les trois semaines suivantes, les deux groupes ont suivi une physiothérapie d'une heure, chaque jour, du lundi au vendredi, sans traitement additionnel. Bien entendu, une semaine avant et pendant toute l'étude, les médicaments affectant directement ou indirectement les taux de norépinéphrine étaient arrêtés. Chaque jour, des effets secondaires étaient recherchés (signes cardio-vasculaires, nausées, vomissements, psychose). Aucun patient n'a été exclu pour cause d'effet secondaire (malgré des nausées en début d'étude chez un patient) ; 4 patients du groupe levodopa et 2 du groupe placebo sont sortis de l'étude pour d'autres raisons. Restaient donc 47 patients.
L'AVC avait touché l'artère cérébrale moyenne (MCA) chez 38 patients (81 %), à la fois la MCA et l'artère cérébrale antérieure chez 1, et 8 avaient une atteinte de la capsule interne.
La fonction motrice a été évaluée sur le score RMA (Rivermead Motor Assessment).
A l'entée dans l'étude, aucun patient ne pouvait marcher seul, 35 étaient dépendants du fauteuil roulant et 45 ne pouvaient pas se servir de leur bras atteint.
En cours d'étude, tous les patients ont eu une amélioration de la fonction motrice ; ceux qui recevaient la lévodopa ont eu une récupération significativement meilleure : par exemple, ils ont remarché seuls mieux et plus vite que les autres (score RMA à 10 chez 50 % du groupe lévodopa, contre 27 % du groupe placebo) ; le même effet a été noté au niveau du membre supérieur. L'amélioration attribuée à la lévodopa a été observée quel que soit le niveau du déficit moteur initial. La différence de gain entre les sous-groupes n'a pas été significative. Le degré de récupération s'est maintenu ou s'est accru dans la deuxième période de l'étude, cela dans les deux groupes.
Les auteurs ne savent pas expliquer le mécanisme par lequel la lévodopa a été efficace et ils en sont réduits aux hypothèses. « Néanmoins, indiquent-ils, la lévodopa combinée à la physiothérapie est une méthode efficace et sûre pour améliorer la récupération motrice après un AVC (...) La récupération motrice n'était pas affectée par la sévérité initiale de l'hémiparésie. Toutefois, certains sous-groupes semblent répondre mieux à l'intervention pharmacologique que d'autres. » Des travaux complémentaires à long terme sont nécessaires.
« Lancet » du 8 septembre 2001, pp. 787-790.
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