LA JUSTICE est aveugle, dit-on. En tout cas, ce n'est pas une science exacte. Pourtant, ceux qui la font ne manquent ni de bonne volonté, ni de compétences. Raymond Depardon, dix ans après « Délits flagrants », qui lui avait valu notamment le César du meilleur documentaire, en fait une nouvelle démonstration.
Démonstration ? Il n'aimerait pas le mot. Le photographe-cinéaste a voulu seulement se placer « à la hauteur » de ces femmes et de ces hommes qui comparaissent, pour témoigner de la justice de tous les jours, « avec ses mots maladroits, ses colères renfermées, ses repentirs, ses fatalités ».
Il a obtenu l'autorisation exceptionnelle de tourner dans l'enceinte de la 10e chambre du tribunal correctionnel de Paris, pour des audiences présidées par l'une des juges de « Délits flagrants ». Nous suivons 12 affaires jugées entre mai et juillet 2003 : conduites en état d'ivresse, vols, violences conjugales, séjours irréguliers. Des « instants » de 12 affaires, de l'interrogatoire au jugement en passant éventuellement par les réquisitions et les plaidoiries.
Les prévenus n'ont pas l'air de savoir ce qu'ils font là, de comprendre pourquoi on les condamne, malgré l'insistance de la présidente à leur demander s'ils ont bien compris. Comme le dit Depardon, « le peu de temps consacré à ces petits drames révèle une fracture sociale entre deux mondes, et les échanges sont souvent pauvres, fatalistes, pathétiques ».
Cette incompréhension fait parfois rire mais on a honte de s'amuser de ces dialogues de sourds car ce qu'ils révèlent de l'état de la société est inquiétant. On n'a plus envie de juger la justice. On ne voit plus qu'une « humanité bouleversante, pitoyable » qui, comme le dit encore Depardon, « devient comme une partie de nous-mêmes dont nous tentons de nous tenir très éloignés ».
Le cinéma le Champo, à Paris, propose une intégrale Raymond Depardon (32 films). Arte réédite en DVD ses documentaires.
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