L'annonce par le ministre de la Santé de la mise en place d'un Haut Conseil du remboursement, sorte d'autorité suprême qui déciderait ou proposerait aux pouvoirs publics de rembourser tel ou tel acte, prestation ou médicament et de supprimer tel autre, n'est en fait que le prolongement des déclarations de Jean François Mattei qui, il y a quelques semaines, a annoncé qu'il allait installer une commission du service médical rendu pour l'ensemble des prestations (« le Quotidien » du 21 mai 2003).
Cette instance, avait alors expliqué le ministre au micro d'Europe 1, sera mise en place dès l'automne prochain dans le cadre de la réforme de la Sécurité sociale, et examinera « l'ensemble des dispositifs, des procédés thérapeutiques, des protocoles opératoires, de façon qu'on sache ce qui est utile, médicalement utile et ce qui ne l'est pas ». Un équivalent en quelque sorte de la commission de la transparence chargée de juger de l'efficacité des médicaments selon le critère du service médical rendu (SMR). Ceux qui ont été jugés peu efficaces ont obtenu un SMR insuffisant et devraient être progressivement déremboursés.
Quels critères ?
Appliquera-t-on le même principe pour l'ensemble des prestations ? « Le critère d'efficacité est-il le seul qui doive entrer en ligne de compte ? », s'interroge un économiste. Sans doute, si l'économie est le souci essentiel qui présidera à la création d'une telle structure. Non, si l'on doit prendre en compte d'autres paramètres, notamment de santé publique. C'est ce qu'explique aussi Claude Le Pen, économiste de la santé, qui, tout en se félicitant de la création de ce Haut Conseil du remboursement, s'interroge sur la pertinence des décisions qui pourraient être prises ou suggérées. D'où l'importance, selon lui, d'apporter le plus grand soin à la composition de cette instance supérieure. Qui ne doit en aucun cas, ajoute-il, être un simple comité d'experts. « Les professionnels de la santé et les usagers devront également avoir leur mot à dire », dit-il. Il y aurait en effet danger, poursuit-il, de laisser la seule décision à des experts qui n'auraient qu'un souci, l'économie, et ne prendraient pas en compte la dimension humaine de la médecine, des prescriptions et de leur remboursement.
Il est clair en tout état de cause que les médecins veulent être impliqués dans les décisions qui seront prises par ce Haut Conseil du remboursement. « Il faut créer, explique le Dr Michel Chassang, président de la CSMF, une instance indépendante regroupant non seulement les financeurs obligatoires et complémentaires, mais aussi les professionnels de santé, en particulier les médecins ». C'est à cette condition, ajoute-t-il, que cette démarche ira dans le bons sens, mais « nous attendons que cela ne se limite pas à des déclarations ».
Débats difficiles
Il demeure que les débats au sein d'une instance composée de façon hétéroclite risquent de s'enliser. Face à des experts et à des assureurs publics ou privés qui examineront de près les actes et les prestations remboursés, professionnels de santé, médecins et usagers ne manqueront pas de défendre, au nom de la santé, certains de ces actes dont ils voudront qu'ils ne soient pas déremboursés. On a déjà assisté à ce phénomème pour des médicaments au SMR insuffisant, on est prêt à parier qu'il en sera de même pour l'ensemble des prestations. « Il y a un écueil à éviter, explique Claude Le Pen, qu'au nom d'un rééquilibrage entre régimes obligatoires et complémentaires, on transfert à ces derniers trop de postes de dépenses ; ce qui pourrait accroître les inégalités. » Même si, comme le dit encore l'économiste de la santé, « on ne peut non plus confiner le rôle des mutuelles à la prise en charge de soins inutiles ». D'où la nécessité des précautions à prendre pour la mise en place du Haut Conseil du remboursement, qui est en fait un Haut Conseil du panier de soins. Car, si tout le monde est d'accord, ou presque, sur une révision du système, il reste encore bien des divergences à surmonter pour que tout le monde se mette d'accord sur les prestations qui méritent, selon les partenaires, d'être prises en charge par le régime obligatoire, par le régime complémentaire ou qui doivent ne plus être remboursées du tout. Jean-François Mattei, lors de sa déclaration au congrès de la Mutualité, s'est fait applaudir ; reste à savoir s'il recueillera la même unanimité lorsqu'il s'agira de passer à la réalité.
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