Dossier
Jeudi, le mouvement des obstétriciens des maternités privées, entamé la veille pour protester contre la hausse jugée excessive des montants des tarifs d'assurance, n'a pas causé de problèmes, d'après le ministère de la Santé. Sur 256 maternités privées, 86 recensaient des obstétriciens en grève, soit 34 %. Des réquisitions ont été effectuées dans 23 cliniques.
Pour le président du Syndicat national des gynécologues et obstétriciens (SYNGOF), le Dr Guy-Marie Cousin, à l'origine du mouvement, il s'agit au contraire d'un « début prometteur ». « Cela a démarré sur une période extrêmement creuse où les équipes n'étaient pas au complet, mais, ces jours-ci, le mouvement devrait s'amplifier. Déjà, toutes les grandes villes sont concernées », précise le Dr Cousin, qui rappelle que 2 100 accouchements sont pratiqués chaque jour en France, dont 45 % dans le privé.
Le Dr Joëlle Belaisch-Allart, qui dirige le service obstétrique de l'hôpital Jean-Rostand, à Sèvres (Hauts-de-Seine), note que, contrairement aux autres régions, l'Ile-de-France n'est pas encore trop touchée par l'arrêt d'activité des médecins libéraux. Sans doute parce que « certainsse sont arrangés pour déclencher les accouchements avant le 31 décembre », avance-t-elle. Pour l'heure, son service n'a reçu aucun transfert de patientes en provenance du privé. Certains hôpitaux franciliens voient toutefois arriver des femmes affolées devant accoucher courant janvier, qui exigent le transfert immédiat de leur dossier. « Dans ce cas, on les rassure, et on leur explique que la coordination avec les cliniques se passe très bien », explique le Dr Belaisch-Allart. Mais cette sérénité ne durera qu'un temps, prédit l'obstétricienne. Car, « si cela continue, l'hôpital public, qui n'est pas équipé pour accueillir 40 % d'accouchements en plus, va craquer ». Le soutien interprofessionnel est toutefois total. S'il existe « un petit mouvement de colère » des obstétriciens hospitaliers face au surplus de travail occasionné, il y a surtout « un grand mouvement de solidarité envers les confrères libéraux », souligne le Dr Belaisch-Allart, qui juge inacceptable le montant des primes d'assurance que leur propose le pool d'assureurs (GTAM).
Créé en novembre pour rétablir un marché de l'assurance dans le domaine de la santé, le GTAM affirmait jeudi avoir reçu 562 dossiers d'établissements de santé et 5 028 dossiers de praticiens. Toutes les demandes auraient été acceptées. Le président du GTAM, Pierre Florin, estime que « la totalité des professionnels de santé dont les contrats avaient été résiliés par leur assureur en 2002 sont maintenant couverts par le pool ». Le GTAM s'engage à couvrir, même à effet rétroactif, tous ceux qui n'auraient pas d'assureur au 1er janvier et qui prendraient contact avec le pool dans le courant de janvier. S'ils trouvent mieux ailleurs, les assurés pourront résilier leur contrat au 1er juillet 2003 avec un mois de préavis.
L'annonce, le 20 décembre, des tarifs des contrats 2003, a suscité une levée de boucliers chez les professionnels de santé. « Racket » pour les uns, « diktat tarifaire » pour les autres... Face à ce flot de critiques, le GTAM a accepté de baisser de 30 % ses tarifs pour les cliniques ayant une maternité, et de ramener à 15 000 euros la facture présentée aux chirurgiens et aux obstétriciens (au lieu des 16 200 euros initialement prévus). Un geste que les syndicats des deux spécialités concernées jugent peu généreux. « Pourquoi 15 000 euros, et pas 14 000 ou 8 000 ? s'interroge le Dr Jacques Meurette, le président de l'Union des chirurgiens français (UCF). Cette ristourne ne fait que prouver que le montant est fixé au pifomètre. » Résultat, l'UCF, qui devait s'associer au SYNGOF pour déposer plainte hier pour abus de position dominante du GTAM et de la MACSF-Sou Médical, a décidé de donner consigne de pratiquer un dépassement exceptionnel pour assurances par les chirurgiens en secteur I et un dépassement supplémentaire explicité pour les chirurgiens en secteur II. Les anesthésistes ne sont pas en reste, puisque le Syndicat national des anesthésistes-réanimateurs de France (SNARF) demande « une revalorisation immédiate des honoraires » pour faire face à la « situation de crise » provoquée par la hausse des primes.
En ce qui concerne la suite du mouvement des obstétriciens, le Dr Cousin pense que « tout va se jouer aujourd'hui », lors de la réunion de travail entre médecins libéraux et caisses d'assurance-maladie, et regrette de ne pas avoir obtenu le soutien de l'UMESPE (dont le SYNGOF est adhérent) jusqu'à présent. Dans un communiqué, l'UMESPE souligne « l'importance de rester cohérents dans les négociations face aux caisses d'assurance-maladie. La division ou l'exacerbation d'intérêts particuliers ne peut qu'affaiblir l'ensemble des médecins spécialistes libéraux ». Pour le président de l'UMESPE, le Dr Jean-François Rey, « le problème de la responsabilité civile professionnelle est virtuellement réglé depuis que la CNAM a proposé de prendre en charge les deux tiers des primes au-dessus de 1 000 euros pour les spécialistes de secteur I. Je ne comprends pas trop l'attitude du SYNGOF qui peut nuire à l'image de marque de l'ensemble des spécialistes ». Le Dr Rey appelle tous les médecins spécialistes à se mobiliser après le 17 janvier en cas d'échec de la négociation conventionnelle.
Le Dr Cousin a une tout autre vision des choses : « C'est une ineptie de vouloir relier notre problème d'assurance, qui ne concerne que les spécialités dites à risque, à la convention. » Le SYNGOF réclame une aide pour une période temporaire de six mois par versement direct de l'assurance-maladie vers le GTAM, afin de faire face à l'urgence des six prochains mois.
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