Les phtalates sont des plastifiants assouplissant les plastiques comme le PVC. Ils sont présents dans de nombreux produits : revêtements de sol, jouets, cosmétiques, films étirables, dispositifs médicaux … Non liés chimiquement aux matières plastiques mais simplement dissous, ils peuvent donc migrer dans l’air ou par contact avec des liquides. L’un d’eux, le bisphénol A (BPA), a récemment fait couler beaucoup d’encre car entrant dans la composition des biberons ; on le trouve aussi dans les canettes et conserves (revêtement interne). Le BPA est facilement libéré dans l’alimentation lors du réchauffement du biberon au micro-onde ou si conserve ou canette contiennent des composants acides. Comme l’ont montré différentes études épidémiologiques et même une opération de sensibilisation de Greenpeace à laquelle avaient participé des députés européens, « il est très difficile aujourd’hui de ne pas être exposé à ces molécules. On les retrouve dans le sang et les urines à des taux souvent élevés ».
Des effets endocriniens avérés
Le bisphénol A se lie aux récepteurs des hormones sexuelles féminines et de mimer leur action dans l’organisme. Des études internationales, réalisées chez des souris exposées à des doses équivalentes à celles auxquelles les populations des pays industrialisés sont soumises, ont toutes relevé : des problèmes de développement et des malformations de l’appareil génital mâle ; une modification de la structure des spermatozoïdes ; et des perturbations des hormones circulantes (LH, SHBG, testostérone, hormones thyroïdiennes). Enfin, des effets délétères sur le développement cérébral, le comportement et au niveau de la prostate et du sein (lésions précancéreuses) ont aussi été notés.
Des perturbations métaboliques …
Deux études rigoureuses, publiées en 2007 et 2008, ont établi un lien entre les niveaux d’exposition au BPA et le syndrome métabolique. Une étude récente réalisée sur des rongeurs a montré qu’une exposition périnatale (in utero et pendant l’allaitement) à des doses très faibles de bisphénol A entraînait, chez les petits, une augmentation des paramètres métaboliques, en particulier un surpoids menant à l’obésité (2). « Nos équipes s’intéressent activement à cette question ».
… mais aussi intestinales
En décembre 2009, les chercheurs du laboratoire « Neurogastroentérologie et nutrition » de l’INRA de Toulouse ont démontré pour la première fois les effets du BPA sur les intestins dès une dose dix fois inférieure à la dose journalière admissible pourtant considérée comme très sécuritaire pour l’homme (3). Pour cela, ils ont administré par voie orale de faibles doses de BPA à des rates après ablation des ovaires produisant les œstrogènes naturels. Résultat : les nouveaux-nés, essentiellement femelles, nés de rates exposées, ont un risque augmenté de développer à l’âge adulte une maladie inflammatoire intestinale sévère (maladie de Crohn, rectocolite hémorragique et syndrome du côlon irritable). En effet, juste après la naissance, la barrière intestinale des nouveaux-nés est ouverte et laisse passer des bactéries qui vont « éduquer » un système immunitaire immature. Or le bisphénol réduit la perméabilité de la paroi intestinale. Si la barrière intestinale se ferme trop tôt, l’éducation du système immunitaire ne se fait pas, d’où le risque de développer plus tard une réponse inflammatoire exacerbée. « L’exposition pré- et post-natale au BPA pourrait freiner le développement des défenses immunitaires intestinales, altérant leur capacité futur à reconnaître des substances nocives pour l’organisme. Des résultats inquiétants, qui interpellent… ».
(1) Institut National de la Recherche Agronomique
(2) A venir...
(3) Braniste V et al. Impact of oral Bisphenol A at reference doses on intestinal barrier function and sex differences after perinatal exposure in rats. PNAS, dec 2009, édition en ligne
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