Pourquoi cette démarche ?
De longue date, le Pr Michel Rieu, conseiller scientifique de l'AFLD, a exprimé sa préoccupation au sujet d'un traitement très répandu chez les sportifs. Le président de l'agence, Pierre Bordry, a décidé l'an dernier de soumettre le sujet à des experts : d'abord, pour le produit, ceux de l'AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) ; ensuite, pour les bonnes pratiques, la HAS (Haute Autorité de santé). C'est donc la première partie de cette double commande passée par l'AFLD que présente « le Quotidien », réalisée par un groupe d'experts sous la direction du Pr Pierre Rochcongar (CHRU de Rennes), président de la SFMS (Société française de médecine du sport).
Quel état des lieux ?
Les glucocorticoïdes sont prescrits chez de nombreux sportifs, qu'ils soient professionnels ou amateurs, que ce soit pour des pathologies traumatologiques, aiguës ou chroniques, allergiques ou cutanées. En 2004, ils ont été retrouvés dans 35 % des échantillons positifs aux contrôles antidopage, 15 % en 2005 et 22 % en 2006.
Quels sont les principaux risques ?
– Le risque d'insuffisance surrénalienne, confirmé par des études sur les sujets sportifs, est le plus souvent imprévisible. Il peut survenir même lors de traitements de courte durée.
– Les effets indésirables locaux sont l'arthrite septique et l'arthopathie microcristalline, des complications locales pouvant survenir, comme des cas d'atrophie musculaire ou de rétraction cutanée.
– Le risque de pharmacodépendance : bien qu'encore mal documenté à ce jour, il semble probable à long terme chez l'homme.
Quels sont les effets sur la performance ?
Les glucocorticoïdes pourraient indirectement améliorer la performance grâce à leur action systémique, anti-inflammatoire, métabolique (augmentation des stocks de glycogène musculaire), antalgique, voire euphorisante. Mais les experts de l'AFSSAPS soulignent qu'on recense à ce jour très peu d'études offrant un niveau de preuve satisfaisant sur le sujet. Les effets sur la performance elle-même n'ont en effet été étudiés qu'au travers du paramètre consommation maximale d'oxygène ou sur les paramètres métaboliques en réponse à une faible série d'exercices sous-maximaux (aucune amélioration constatée). La mise au point recommande que soient conduits des travaux complémentaires, tenant compte de la durée et de l'intensité de l'exercice physique.
Que recommande la mise au point ?
Dans le souci d'inciter à une «utilisation mesurée et plus sécuritaire» des glucocorticoïdes, les experts rappellent :
– Pour le traitement des lésions traumatiques, notamment, les glucocorticoïdes ne doivent pas être proposés, dans la plupart des cas, en première intention, sauf situation exceptionnelle. Il existe, en effet, des alternatives de prise en charge, tout particulièrement pour les lésions aiguës.
– En cas d'infiltration, le choix de la spécialité doit être adapté à la lésion à traiter et à sa localisation.
De manière générale, les glucocorticoïdes doivent toujours être prescrits à la plus faible dose efficace et pour la durée le plus courte possible, avec une réduction progressive.
Quelle modification réglementaire pourrait suivre ?
La problématique de l'utilisation des glucocorticoïdes chez le sportif est prise très au sérieux par l'AMA (Agence mondiale antidopage). Son président, John Fahey, a encouragé Pierre Bordry à réunir tous les éléments scientifiques qui pourraient conduire à l'adoption de nouvelles règles dans le cadre du code mondial, en particulier pour la délivrance des AUT (autorisations à usage thérapeutique). «La coopération internationale entre acteurs de l'antidopage est sans nuages, se félicite le président de l'AFLD, qui s'interroge : si les glucocorticoïdes sont destinés à soigner, la prise en charge ne doit-elle pas privilégier, selon les cas, un arrêt momentané de la compétition, plutôt que la poursuite de l'activé sportive en soulageant la douleur?»
Le document doit être mis en ligne la semaine prochaine sur les sites Internet : www.afssaps.sante.fr et www.afld.fr.
« Des précautions médicales incontournables »
«Les experts de l'AFSSAPS ont mis le doigt sur des précautions médicales incontournables, souligne le Pr Michel Rieu, conseiller scientifique de l'AFLD. En particulier, il est important de rappeler qu'il suffit d'une seule infiltration intra- ou périarticulaire pour provoquer une insuffisance surrénalienne, avec la survenue d'une asthénie brutale. L'utilisation des glucocorticoïdes, pour être pertinente, doit nécessiter une interruption de compétition de quelques jours. Quant à la prescription de traitements dans le seul but de supprimer des symptômes qui gêneraient la performance, elle est évidemment à bannir.»
«C'est au sportif, remarque encore le Pr Rieu, en application de la loi Kouchner, de prendre la décision de participer à une épreuve, dès lors que le médecin lui a fourni les éléments d'un consentement éclairé.»
Le hit-parade des substances
Les 2 441 contrôles diligentés par l'AFLD au cours du 1er trimestre 2008 ont donné lieu à 66 analyses positives avec les substances suivantes :
– cannabinoïdes (35) ;
– glucocorticoïdes (23) ;
– agents anabolisants (11) ;
– diurétiques (4) ;
– bêta 2-agonistes (3) ;
– stimulants (2) ;
– hormones peptidiques (1).
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