« Je ne déclare pas la guerre au sel, mais à des morts évitables, des maladies dommageables », a lancé le ministre délégué à la Santé, en donnant le coup d'envoi du colloque international « Sel et santé » organisé vendredi et samedi par l'AFSSA (« le Quotidien » du 19 janvier).
Des morts qui, selon Pierre Menneton (unité de surveillance et d'épidémiologie nutritionnelle, unité 357 de l'INSERM) frapperaient annuellement 25 000 personnes, en majorité des suites d'accidents cardio-vasculaires. C'est quatre fois plus de victimes que les accidents de circulation.
Bernard Kouchner s'est donc engagé à faire réduire de 5 % par an la teneur en sel des aliments vendus dans le commerce. Une décision qui entérine les recommandations du groupe de travail présidé par Serge Hercberg (unité 557 de l'INSERM). L'objectif est de réduire de 20 % en cinq ans l'apport moyen de sel des Français, en agissant sur les aliments qui, tels les produits de boulangerie ou de charcuterie, sont les principaux fautifs de la surconsommation saline.
Les industriels se sont d'ores et déjà engagés à respecter ces recommandations. Cependant, l'Association nationale des industries agro-alimentaires (ANIA), qui a participé au groupe de travail, « continue à s'interroger sur la pertinence de la réduction de la consommation moyenne de la population générale, alors que seuls les sujets dont l'hypertension est directement liée à leur consommation en sodium et les très forts consommateurs tireraient bénéfice d'une telle mesure ».
« Atteinte à la sûreté de l'Etat »
Auteur d'un rapport mettant en cause « le lobby du sel », Pierre Menneton aurait été placé sous surveillance téléphonique par les services de renseignements français pour « atteinte à la sûreté de l'Etat », selon l'hebdomadaire « le Point », qui publiait l'information en fin de semaine dernière, affirmant que « tous les téléphones de l'unité 357 de l'INSERM, où travaille le chercheur, ont été placés sur écoutes (et que) son téléphone portable a fait l'objet d'une attention particulière, avec un système permettant d'écouter les conversations téléphoniques en temps réel ».
Le ministère de l'Intérieur, la direction de la Police nationale et la direction centrale des RG, puis la préfecture de police de Paris ont démenti « formellement » ces informations, cependant qu'arguant du secret défense, le délégué général de la Commission nationale de contrôle de sécurité (CNCIS, organisme qui contrôle au cas par cas toutes les demandes d'écoute) n'infirmait ni ne confirmait.
Réagissant de son côté avec « une énorme surprise », Pierre Menneton attendait d'en savoir plus pour déposer éventuellement plainte. « Il est clair, déclare-il au "Quotidien", que nous sommes en présence d'un important problème de santé publique à forte composante économique. Dans un pays comme la France, une réduction de 30 % des apports en sel entraînerait un manque à gagner de l'ordre de 6 milliards d'euros pour l'industrie agro-alimentaire. L'enjeu en termes industriels est donc comparable à celui qui oppose la santé publique aux manufacturiers de tabac et aux alcooliers. »
Jugée « ridicule » à l'AFSSA, « totalement incroyable », selon Serge Hercberg, cette affaire aura au moins eu le mérite d'apporter quelque retentissement médiatique à un colloque qui marque une prise de conscience nouvelle sur l'overdose de sel. Chaque Français ingère en moyenne quatre kilos de sel par an, soit près de deux fois la dose limite fixée par l'Organisation mondiale de la santé.
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