VOICI UN TEXTE qui ne mâche pas ses mots. Il provient, sous forme de projet d'avis, du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie et traite du sujet plutôt technique - pour ne pas dire abscons - des coûts hospitaliers.
Que dit, on ne peut plus clairement, le Haut Conseil ? Que la France souffre d'une méconnaissance totale de la formation de ses coûts hospitaliers, c'est-à-dire qu'elle ne sait ni comment les établissements utilisent leurs ressources ni pourquoi certains dépensent plus que d'autres, pas plus qu'elle n'est vraiment capable d'expliquer, même si les chiffres eux-mêmes prêtent à caution, que les hôpitaux publics coûtent à activité égale beaucoup plus cher que les cliniques privées.
Poids lourd des dépenses.
Or, rappellent les experts, les ressources de l'hospitalisation (secteurs public et privé confondus), non contentes de peser très lourd dans les comptes de l'assurance-maladie - elles s'élevaient en 2003 à 63 milliards d'euros, « soit un peu plus de 50 % des dépenses d'assurance-maladie » -, n'ont jamais été aussi importantes (elles croissent en moyenne de près de 4 % chaque année depuis plus de dix ans « alors que, sur la même période, le nombre d'admissions restait à peu près stable et que le nombre de journées d'hospitalisation connaissait une baisse de près de 13 % »).
Dans son projet d'avis, le Haut Conseil s'interroge beaucoup... pour s'étonner de constater que les réponses à ses questions - pourtant simples - n'existent pas. Les disparités de coût d'un hôpital à un autre, constatées même quand ceux-ci sont proches géographiquement ou affichent des tailles et des activités semblables, offrent aux experts un premier terrain d'ébahissement. « On trouve, rapportent-ils, plusieurs cas de centres hospitaliers régionaux, distants de moins de cent kilomètres, entre lesquels l'écart de coût global des soins se situe entre 10 % et 15 % ». Pourquoi ce fossé ? Il existe bien quelques éléments de réponse, et notamment les faiblesses et les imperfections de l'instrument de mesure que constituent les points ISA (indices synthétiques d'activité) - erreur lors de la saisie des informations... insuffisante finesse du regroupement des séjours hospitaliers en GHM (groupes homogènes de malades) ou bien mauvaise prise en compte de certaines caractéristiques des malades comme leur âge, leurs handicaps associés... Problème : ces éléments n'expliquent sûrement pas tout et ils sont eux-mêmes très mal connus et mesurés. Le Haut Conseil est donc cinglant : « Ce sont moins (les) disparités qui appellent des commentaires sévères que l'incapacité, semble-t-il, d'y apporter une explication claire. » Dans le brouillard, regrettent les experts, bien malin qui pourra dire si les écarts de coûts sont, d'une manière ou d'une autre, justifiés. Bien malin également qui saura « orienter utilement les décisions de gestion ». Le flou est d'autant plus grave que le Haut Conseil n'exclut pas qu'il masque « l'existence de rentes ou de dépenses aggravées par une mauvaise gestion ».
Si l'opacité règne, en particulier au sein de l'hôpital public, c'est, accuse le projet d'avis, la faute « aux insuffisances criantes du suivi de gestion de l'activité hospitalière, et de la connaissance qu'ont les établissements des éléments pertinents de leurs propres coûts de production ». Alors que la réglementation les y oblige, une minorité d'hôpitaux disposent d'une comptabilité analytique d'exploitation, dénonce le Haut Conseil.
L'impossible comparaison.
Autre champ d'étonnement : la comparaison des coûts du secteur public et du secteur privé (le premier ayant « officiellement » été évalué il y a deux ans comme de 30 à 40 % plus cher que le second). Pour le Haut Conseil, cet exercice n'a « aucune valeur sérieuse » faute d'instruments de mesure fiables. Car, là encore, les justifications de l'écart constaté « sont restées essentiellement qualitatives ». Pourquoi ne s'interroge-t-on pas sur les distorsions qu'introduisent les instruments de mesure - les points ISA sont très différents à l'hôpital public et en clinique privée - ? Pourquoi ne calcule-t-on pas précisément la part qui revient dans les écarts aux sujétions de service public, au statut des agents, aux modes de gestion... ? Le Haut Conseil marque sa désapprobation en notant que les pouvoirs publics se privent, ce faisant, de moyens de correction possibles sur le long terme (répartition de l'accueil des populations démunies ou ratios du personnel administratif sur le personnel soignant) comme sur le très court terme (le développement des soins ambulatoires, par exemple).
Face à un océan de lacunes, le Haut Conseil est pessimiste. Il se dit en particulier « vivement préoccupé » par le péril que représente l'opacité pour la mise en œuvre de la tarification à l'activité (T2A). Sans instruments de mesure améliorés, sans éléments d'explication précis et objectifs des écarts constatés, « le risque est tout simplement que la réforme échoue »
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