Un entretien avec
le Pr Jean-Philippe Lacour*
LE QUOTIDIEN. - Quelles sont les raisons qui ont conduit à cette conférence de consensus ?
Ce thème a été choisi, d'une part, parce que la dermatite atopique est une affection fréquente et, d'autre part, car les enquêtes de pratique ont montré que ses prises en charge variaient non seulement d'une spécialité à une autre, mais aussi entre praticiens de même discipline. Le dessein principal de cette conférence de consensus était d'améliorer la prise en charge thérapeutique de la dermatite atopique de l'enfant en essayant d'harmoniser les pratiques des différents spécialistes concernés : dermatologues, pédiatres, allergologues et médecins généralistes. Cette conférence ne pouvait évidemment pas régler tous les problèmes inhérents à la prise en charge de la dermatite atopique de l'enfant. Cependant, elle a permis d'aboutir à un socle de base consensuel qui donne la possibilité à chaque médecin d'avoir le même discours et les mêmes modalités d'intervention et de prise en charge. En outre, il faut savoir que la diversité de la prise en charge et les discours différents des praticiens contribuent souvent à l'inquiétude des parents d'un enfant atteint de dermatite atopique.
Quelle a été la méthodologie employée ?
Nous avons suivi les recommandations de l'Anaes sur l'organisation des conférences de consensus. La méthodologie est précise et rigoureuse. Le comité d'organisation comprenait des membres issus de toutes les disciplines concernées par la dermatite atopique. Le groupe bibliographique a réalisé une étude critique de la littérature en tenant compte des règles de preuve scientifique pour classer les articles. Un groupe d'experts s'est exprimé durant la séance publique qui s'est tenue le 20 octobre 2004. Enfin, le jury, là encore composé de membres de l'ensemble des spécialités concernées et associant praticiens libéraux à praticiens hospitaliers venus de toutes les régions de France, s'est réuni pendant quarante-huit heures et a rédigé le texte des bonnes pratiques. Précisons, en outre, que les membres du jury n'étaient pas considérés comme des experts de la dermatite atopique et qu'ils devaient se prononcer de manière objective en fonction des données fournies par le groupe bibliographique et de l'avis des experts.
Quelles sont les principales recommandations issues de cette conférence ?
Les indications et l'intérêt des tests allergologiques ont été éclaircis. On considère encore trop souvent que la dermatite atopique est d'origine alimentaire. La conférence de consensus a insisté sur le fait que, si la dermatite atopique pouvait être associée à une allergie alimentaire, ces allergènes alimentaires étaient rarement en cause dans la dermatite atopique. De ce fait, il est inutile de rechercher une cause alimentaire pour chaque cas de dermatite atopique. Plus largement, la conférence de consensus a validé les situations qui nécessitent une exploration allergologique : la dermatite atopique grave, elle-même définie par l'échec d'un traitement bien conduit ou qui concerne des enfants présentant une cassure de leur courbe staturo-pondérale ou des manifestations d'allergie alimentaire, de contact ou respiratoire. Sur le plan thérapeutique, la corticothérapie locale demeure le traitement de base. Le texte issu des recommandations reprend ainsi les bonnes pratiques d'utilisation de ces dermocorticoïdes. Le clinicien se doit de lutter contre la « corticophobie » qui persiste chez de nombreux patients.
Quel impact peut-on attendre de ce consensus ?
Les règles édictées par le jury reflètent l'état des connaissances médicales sur la dermatite atopique en 2004. L'impact de cette conférence dépendra, bien évidemment, de sa diffusion, que l'on espère le plus large possible. Une conférence de presse a été organisée en décembre 2004 avec des journalistes médicaux et grand public. Le texte court des recommandations a été mis en ligne sur les sites des sociétés savantes** et sera prochainement publié dans les revues des spécialités concernées. Ces recommandations vont être également discutées dans les congrès scientifiques. On espère donc que les médecins impliqués dans la prise en charge de la dermatite atopique de l'enfant adopteront ces recommandations. Une évaluation de l'impact des recommandations issues de cette conférence de consensus est d'ores et déjà prévue, avec la mise en place d'une enquête de bonnes pratiques prévue pour 2006.
* CHU de Nice, président du comité d'organisation.
** Texte court des recommandations
sur le site de la Société française de pédiatrie : www.sfpediatrie.com
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