LE QUOTIDIEN - Les discriminations sur critères de santé et de handicap ont-elles un caractère légal ?
DANIEL LE SCORNET - La loi du 16 juillet 1990 interdit toute discrimination dans les pratiques humaines pour des raisons de santé ou de handicap, à l'exception des assurances et de l'accès à l'emploi. Ce sont donc bien des discriminations légales. Pour 43 % des Français que nous avons consultés, par voie de sondage, à l'occasion du colloque que nous animons sur le sujet, il s'agit de la première des discriminations, devant les inégalités femmes-hommes, 27 %, la religion et l'origine, 21 %, et l'âge, 7 %.
A combien s'élève le nombre de personnes touchées par de telles pratiques ?
A la question de l'IFOP : avez-vous fait l'objet d'une sélection, d'une exclusion ou d'une surtarification ?, il ressort, en extrapolant, que 10 % de la population, soit 6,5 millions de femmes et d'hommes ont déjà subi une discrimination de ce type, et 28 % disent connaître quelqu'un de leur entourage dans cette situation.
Majoritairement, cela concerne le monde de l'emploi, et les personnes de plus de 50 ans qui, évidemment, sont plus nombreuses à être frappées par une maladie ou un handicap. Dans ce contexte, l'abolition de cette discrimination légale est quasiment plébiscitée, avec 92 % des suffrages.
Hormis l'exclusion par les assurances, que reprochez-vous aux employeurs qui font procéder à une visite d'aptitude à l'embauche, réalisée par le médecin du travail ?
Hier encore, des pathologies relativement graves, associées à un risque comme le virus du SIDA pouvaient justifier, disons techniquement, la discrimination légale, même si humainement c'était intolérable. Mais désormais, on peut vivre toute une existence avec une maladie grave, comme le cancer ou le SIDA.
Pour la Fédération des mutuelles de France, une personne présentant une pathologie même très lourde doit être assurée et pouvoir travailler,tant d'un point de vue éthique et sociétal qu'économique. Ce qui nécessite une modification de la loi, stipulant que tout contrevenant sera poursuivi pénalement.
Pour ce qui est des assurances, je signale que les Français, à 62 %, sont prêts à ne pas dire la vérité sur leur état de santé dans le questionnaire médical qu'ils ont à remplir pour souscrire une complémentaire-maladie, un contrat prévoyance (décès, incapacité, etc.) ou bénéficier d'accès à des prêts. Aussi, de notre point de vue, il apparaît indispensable d'éliminer ledit questionnaire.
Pour la complémentaire-maladie nous demandons aux mutuelles, aux institutions de prévoyance et aux compagnies d'assurance de ne plus procéder à des surtarifications.
Quant au "Pool de risques aggravés", constitué en 1992 par les assureurs et les associations d'aide aux malades du SIDA, il doit pouvoir être saisi, dans l'attente de la modification de la loi, des personnes objet de discrimination, et faire appliquer des surtarifications réglementées par les pouvoirs publics.
En matière d'emploi, nous réclamons la disparition du certificat d'aptitude. En revanche, rien n'empêche au médecin d'entreprise de faire des propositions de modifications de poste de travail pour tel ou tel travailleur. Dans le même temps, nous souhaitons que le recours au test génétique, que n'utiliseraient pas les assurances et les employeurs, soit purement et simplement prohibé par le législateur. Rien, dans le système actuel, n'empêche un candidat à l'embauche, par exemple en concurrence avec un autre pour un travail, de solliciter un test génétique.
* Ce colloque est réalisé en partenariat, entre autres, avec AIDES, MDM et l'Union nationale interfédérale des uvres et organismes privés.
La Fédération des mutuelles de France (tél. 01.49.88.52.52), fondée en 1986, rassemble 750 groupements et 1,5 million d'adhérents, soit 3 millions de personnes protégées.
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