«C'EST LAvitessed'absorption pulmonaire de la nicotine avec la fumée qui est à l'origine de la dépendance. A l'inverse, les substituts nicotiniques se caractérisent par la lenteur avec laquelle la nicotine pénètre dans l'organisme. Le potentiel addictif n'est pas fonction de la nicotine elle-même, mais bien de son mode d'administration», souligne Jacques Le Houezec, vice-président du Comité national contre le tabagisme.
Inhalée avec la fumée de tabac, la nicotine arrive très rapidement au cerveau, en moins de dix secondes, par voie artérielle. Ce qui favorise la création et l'entretien de la dépendance. «Les “shoots” successifs procurent, tour à tour, des sensations de plaisir et de bien-être, et favorisent l'installation d'un conditionnement», assure Béatrice Le Maître, tabacologue, médecin praticien attaché, responsable de l'unité de tabacologie du CHU de Caen. «Avec les substituts nicotiniques, la nicotine se diffuse lentement, par voie veineuse. Il n'y a aucun “shoot”, donc, pas d'entretien de la dépendance, mais une excellente gestion des symptômes de manque», précise-t-elle.
Les experts du sevrage tabagique sont unanimes : les substituts nicotiniques ne provoquent pas de dépendance. Mais les fumeurs, eux, ne partagent pas toujours cette opinion. Car, au sein du grand public, les idées reçues au sujet de la nicotine sont pléthore. De fait, d'après un sondage Ifop* recensant les opinions des fumeurs relatives à leur dépendance à la cigarette, plus de la moitié (51 %) des personnes interrogées pensent pouvoir devenir dépendantes des substituts nicotiniques.
En outre, la nicotine est souvent considérée comme toxique. «Trop souvent, dans l'esprit des fumeurs, nicotine et dangerosité du tabac sont associées. C'est un mythe. Le danger du tabac se cache dans les multiples composants de la fumée de cigarette», indique le Dr Le Maître. De fait, cette fumée contient plus de 4 000 composés chimiques, parmi lesquels plus de 50 cancérogènes reconnus (benzène, benzopyrène, hydrocarbures…), du monoxyde de carbone et beaucoup d'autres produits dangereux. «La nicotine n'est ni cancérogène ni dangereuse. Contenue en forte concentration dans le tabac, elle devient, lors de la combustion, le principal élément addictif de la fumée de cigarette. Le danger du tabac ne réside pas dans la nicotine, mais dans les plus de 4000 produits chimiques qui l'accompagnent», poursuit le Dr Le Maître.
Une fois de plus, les fumeurs sondés ne semblent pas du même avis : le goudron et la nicotine arrivent en tête des substances qu'ils estiment nocives. Pire, 38 % pensent que les substituts nicotiniques sont dangereux pour la santé. Et nombreux sont ceux qui croient encore que ces mêmes substituts sont contre-indiqués pour les femmes enceintes et les personnes atteintes de maladie cardio-vasculaire.
Or il n'en est rien. «Les substituts nicotiniques sont recommandés tant chez les femmes enceintes fortement dépendantes sur avis médical que chez les coronariens. Compatibles avec tous les traitements, ils peuvent aussi bien être utilisés dans le cadre d'une stratégie de réduction de la consommation de tabac que dans le cadre d'abstinences temporaires. Pour compenser l'apport de nicotine que le fumeur retirait de ses cigarettes, les substituts nicotiniques doivent être utilisés à doses suffisantes», rappelle la spécialiste.
Le rôle des professionnels de santé.
Outre les médicaments, et notamment les substituts nicotiniques, quel rôle joue la volonté dans le sevrage tabagique ? Si les personnes interrogées la placent en tête des méthodes utilisées pour arrêter de fumer, le Dr Le Maître, elle, reste prudente. «Un fumeur a deux fois plus de chances de s'arrêter de fumer en recourant aux substituts nicotiniques qu'en se reposant sur sa seule volonté.»
De son côté, le Dr Ivan Berlin, président de la Société française de tabacologie, n'a pas manqué de rappeler «le rôle d'information et d'accompagnement des professionnels de santé (généralistes, pédiatres, médecins scolaires…) pour barrer la route au tabagisme avant que l'addiction ne soit trop ancrée». Mais aussi, le cercle vicieux de la dépendance tabagique précoce : «Le pouvoir addictogène des cigarettes est similaire à celui de l'héroïne, voire plus fort. (...) Plus l'initiation au tabac se fait tôt, plus le risque de devenir dépendant est élevé, plus la dépendance est forte, et plus la durée de tabagisme est longue. Et il deviendra plus difficile d'arrêter de fumer. (...) Il est donc nécessaire d'identifier les prédicteurs de l'initiation et de la dépendance pour intervenir sur ces facteurs. La France a un retard considérable dans ce domaine», a t-il déploré.
* « Dépendance tabagique : mythes et réalités - l'opinion des fumeurs », étude réalisée en mars 2007, auprès d'un échantillon de 409 fumeurs de 5 cigarettes ou plus par jour.
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