LA SOUCHE de choléra à l’origine de l’épidémie qui touche Haïti depuis le 21 octobre dernier « semble plus virulente que la normale », a déclaré Thomas Adams, coordonnateur spécial pour Haïti au sein de l’administration américaine. Le spécialiste estime par ailleurs que cette souche pourrait rester présente à l’état endémique pendant des années. L’émergence de vibrion cholérique dans cette île, exempte depuis au moins cinquante ans, voire un siècle, pourrait expliquer en partie la rapidité de la diffusion actuelle. Les dix départements que compte le pays sont désormais touchés. L’étude de la corrélation entre le taux de mortalité infantile et la vitesse de propagation de la maladie, considérée comme un indicateur de la force de l’épidémie, suggère que « la transmission va se poursuivre pendant un certain nombre d’années », a indiqué de son côté Manoj Menon, chargé de la liaison entre le Centre de contrôle des maladies d’Atlanta (CDC) et USAID, l’agence américaine de l’aide publique au développement.
Plus tôt, l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS) avait déjà annoncé des prévisions plutôt pessimistes. Selon l’organisation, le choléra en Haïti pourrait affecter 200 000 personnes et en tuer 100 000 au cours des six à douze prochains mois, « si le taux de mortalité actuel de 4 à 5 % était maintenu », a précisé le Dr Ciro Ugarte. Il s’agit là du « scénario le plus sombre » qui ne tient pas compte d’une amélioration possible de la situation sanitaire. Toutefois, le spécialiste de l’OPS souligne que les estimations actuelles selon lesquelles l’épidémie aurait déjà fait près de 20 000 victimes, dont plus de 10 000 morts, avec, chaque jour, de 600 à 800 nouveaux cas, sont sans doute inférieures à la réalité. « Le problème que nous avons avec Haïti vient de la très faible couverture des services sanitaires et d’un taux de surveillance épidémiologique encore plus bas, ce qui fait que tous les cas d’infection de choléra ne sont pas signalés », a-t-il expliqué.
Selon les experts, le choléra pourrait se propager dans toute l’île d’Hispaniola, y compris à Saint-Domingue. Un cas y a déjà été recensé, mais il s’agissait d’un Haïtien qui revenait d’un séjour à Port-au-Prince. Les autorités dominicaines ont renforcé les contrôles à la frontière et ont relevé le niveau d’alerte épidémique. Un cas a aussi été signalé en Floride (États-Unis) chez une femme de retour d’Haïti, où elle était venue rendre visite à sa famille. La situation sanitaire dans ces deux régions, en particulier à Saint-Domingue, n’a cependant rien à voir avec celle d’Haïti.
La psychose.
Dans le pays, la psychose gagne. Les heurts avec les soldats de l’ONU (Minustah), qui ont déjà fait deux morts parmi les manifestants, se multiplient dans le nord du pays et désormais à Port-au-Prince, la capitale. Jets de pierres, barricades, coups de feu et gaz lacrymogènes, les scènes de guérilla opposent les Casques bleus à de jeunes Haïtiens criant en créole : « Le choléra, c’est la Minustah qui nous a donné ça. » Une rumeur affirme que des fosses septiques d’une base de l’ONU, où beaucoup de Népalais sont basés, seraient à l’origine de l’épidémie, ce que dément le porte-parole de l’armée népalaise, qui affirme que des tests réalisés sur les soldats les mettent hors de cause.
Les analyses effectuées par le CDC ont montré que la souche de sérogroupe 01, sérotype Ogawa était une souche non haïtienne et d’origine asiatique. Toutefois, compte tenu des échanges internationaux, il est impossible de retracer son origine. « Nous ne saurons probablement jamais d’où ceci est venu », a indiqué Manoj Menon.
Washington a organisé un plan de riposte à l’épidémie, fournissant des millions de comprimés de purification d’eau et de sachets de solution de réhydratation. De leur côté, les organisations françaises ont mis en place des unités de traitement du choléra. La Croix-Rouge française, en particulier, « va prendre en charge l’ensemble des 30 centres de soins de Port-au-Prince, pour y installer des UTC » afin d’apporter les premiers soins et d’orienter les cas les plus sévères vers les centres de traitement du choléra (UTC). Médecins sans frontières dispose de 21 centres de traitements à travers le pays avec une capacité d’hospitalisation de plus de 1 000 lits.
Quotimed.com, le 19/11/2010
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