Dépistage des cancers, contraception, planning familial, protection maternelle et infantile, MST, prévention du tabagisme... Tels sont certains des objectifs prioritaires qui devraient figurer dans la prochaine loi de programmation de santé publique que prépare en ce moment le ministre de la Santé, et qui devrait être présentée avant l'été. Des objectifs qui, aujourd'hui, sont insuffisamment assurés, aux yeux mêmes des pouvoirs publics.
Un avis largement partagé par le Pr Serge Uzan, chef du service de gynécologie-obstétrique et médecine de la reproduction de l'hôpital Tenon, à Paris, et doyen de la faculté Saint-Antoine. Des généralistes qui ne sont pas suffisamment formés ou mal formés à la gynécologie. « Toute action de santé publique n'a d'efficacité que si elle couvre au moins 60 % de la population cible », explique le Pr Uzan. « Or, seulement 15 % des femmes en France consultent un gynécologue (médical ou gynécologue obstétricien) une fois par an au moins. »
D'après certaines estimations, cette couverture ne dépassera jamais les 25 % de la population concernée, quelles que soient les mesures prises à l'avenir pour une augmentation du nombre de postes, aujourd'hui insuffisants selon tous les observateurs, des diplômes d'études spécialisées (DES) de cette discipline.
Conclusion formulée par le Pr Uzan : il est nécessaire de confier cette mission de santé publique aux généralistes. « Premier constat, affirme-t-il : les acteurs d'une campagne de santé publique concernant les femmes ne peuvent être que les généralistes, car eux seuls touchent une fraction suffisante de la population. »
Deuxième constat, qui se pose plutôt en interrogation : les généralistes sont-ils formés correctement à la gynécologie ?
« Ils suivent pendant trois mois au maximum entre 25 et 40 heures d'enseignement théorique pendant leur externat et quasiment aucune formation pratique », regrette le Pr Uzan.
C'est pour pallier cette insuffisance flagrante que des modifications et des réformes ont été décidées. Avec, notamment, la création d'un module il y a deux ans pour les externes et surtout l'obligation pour les futurs généralistes d'assurer un semestre de stage en gynécologie et/ou en pédiatrie pendant leur résidanat. Mais, de l'avis de tous, cela n'est pas suffisant, et les enseignants de ces deux disciplines (gynécologie et pédiatrie) estiment que c'est un semestre dans chaque spécialité qu'il faudrait instaurer.
Une formation complémentaire
En conséquence de quoi, « la Conférence nationale des professeurs de gynécologie-obstétrique a décidé d'apporter sa contribution à cet effort en créant un DIU », un diplôme interuniversitaire de formation complémentaire en gynécologie et obstétrique.
Le Pr Serge Uzan insiste sur l'adjectif « complémentaire ».
« Il ne s'agit en aucun cas d'un diplôme sauvage de spécialité », explique-t-il pour apaiser les inquiétudes prévisibles de certains gynécologues, « mais bien d'un diplôme qui apporte aux généralistes une formation tant sur le plan pratique que théorique ». Très clairement, ce DIU est destiné aux futurs généralistes pendant leur résidanat ou aux généralistes installés, qui suivront la formation complémentaires dans le cadre de la formation médicale continue. « Nous voulons former d'excellents généralistes en leur enseignant les principes de soins de première ligne », poursuit le Pr Uzan qui préfère ce terme , dit-il , à celui de « soins primaires » , traduction du « primary care » des Anglo-Saxons.
C'est une question de bon sens, finalement, estime-t-il.
D'ailleurs, remarque le Pr Uzan, « le diplôme aurait pu s'intituler DIU de soins primaires de la femme ».
Il s'agit finalement d'inscrire les généralistes dans un réseau afin d'améliorer l'information des patientes, de favoriser le dépistage et de prendre en charge de 70 à 80 % des diagnostics et des traitements « simples ».
« Une patiente vient voir son médecin en lui faisant part de son désir de grossesse. Est-il nécessaire d'être gynécologue pour avoir le réflexe de poser la question de bon sens, à savoir si cette patiente est vaccinée contre la rubéole ? », demande le Pr Serge Uzan .
A l'issue de cette formation, les médecins devraient être capables de réaliser des frottis, de prescrire une pilule contraceptive, d'examiner les seins et de connaître la fréquence des mammographies à réaliser. « Bien sûr, il ne s'agira pas de faire une hystérectomie ou une césarienne », rassure le Pr Uzan.
Valeur ajoutée
Sont acceptés à ce DIU les internes de médecine générale, les médecins généralistes, les internes inscrits à un DES de spécialité et tout praticien titulaire d'un doctorat en médecine. En pratique, se sont inscrits à part égale pour cette première session, des résidents en médecine générale, d'autres dont les études sont totalement terminées mais qui ne sont pas encore installés et pour le dernier tiers, des généralistes installés (100 % dans certaines villes). L'aîné de la promotion a 54 ans.
Les cours ont commencé le 19 novembre, à raison de seize soirées de quatre heures (de 20 h à minuit), deux fois par mois. « La grande innovation, c'est qu'ils vont travailler en tant que médecin responsable sous le contrôle d'un spécialiste qui sera chargé de vérifier leurs compétences, voire de les peaufiner », explique le Pr Uzan. Les étudiants doivent, en effet, sur un ou deux ans, assurer 40 vacations dans des services de gynécologie-obstétrique hospitalo-universitaires de la Collégiale des gynécologues-obstétriciens de Paris ou bien dans des services généraux dirigés par des chefs de service qui obtiendront l'agrément. « C'est lourd, convient le directeur de l'enseignement, mais les étudiants se montrent extraordinairement motivés. »
Et c'est vrai qu'ils sont motivés. Certains élèves viennent même de Toulouse pour suivre la formation à Paris.
Un petit sondage a été réalisé auprès des résidents, les futurs généralistes, selon le doyen Uzan. Eux-mêmes jugeraient leur formation en gynécologie insuffisante. « Avec ce diplôme, j'ai l'assurance d'une formation performante », affirme pour sa part le Dr Christine Roullière, généraliste, qui estime que « ce DIU a tout à fait sa place. Il n'enlève rien aux gynécologues et donne en revanche une valeur ajoutée aux généralistes ». Le Dr Roullière relève par ailleurs l'importance des intitulés : « DIU signifie que ce diplôme sera reconnu par l'Ordre et pourra être signalé sur ma plaque », se réjouit-elle. « Mais le praticien est médecin généraliste pour éviter toute ambiguïté », précise le Pr Uzan.
La formation actuelle du résidanat est ainsi faite que le futur généraliste, en plus des stages en services de médecine interne, aux urgences et en cabinet de ville, doit valider un semestre en gynécologie ou en pédiatrie. Pour le Dr Roullière, « c'est ce "ou" qui pose problème ».
« Dans l'idéal, il faudrait pouvoir faire l'un et l'autre. Mais la réalité, c'est que nous n'avons pas un choix de stages fantastique », regrette-t-elle.
Le DIU de gynécologie est validé d'abord par un examen national en juin (qui porte sur six cas cliniques) et la remise d'un mémoire. Par exemple : circuit de patientes dans un service, protocole d'informations, étude d'un réseau.
La partie pratique sera validée par le maître de stage.
L'étudiant doit par ailleurs régler des droits d'inscription, équivalents aux droits universitaires (141,57 euros) et sa présence est obligatoire aux modules. « Les cours sont très conviviaux, les questions fusent dans tous les sens, et nous confrontons nos expériences », témoigne le Dr Roullière.
Personne ne cherche à manquer les cours.
La formation fonctionne actuellement dans 14 villes françaises (Paris, Rouen, Reims, Caen, Amiens, Lille, Nice, Marseille, notamment et dans 22 villes à la rentrée universitaire 2003-2004. Elle devrait, à terme, exister dans toutes les régions de France.
Renseignements uniquement par mail (ou par écrit)
auprès du directeur de l'enseignement :
Pr Serge Uzan,
hôpital Tenon maternité
4,rue de la Chine,
75020 Paris
christel.hannon@tnn.ap-hop-paris.fr.
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