Dire que les maternités sont en crise est aujourd'hui une banalité, tant on l'affirme depuis des années. Il reste que pour le Pr Emile Papiernik, auteur de nombreuses études, la situation est telle aujourd'hui qu'elle demande des décisions rapides. Il l'a répété hier lors d'un rapport qu'il a présenté à l'Académie de médecine.
Mais le célèbre gynécologue n'est guère encourageant. « Il ne sera pas facile, dit-il, de résoudre la crise des maternités dont les causes sont anciennes et diverses et dont les causes n'ont pas été corrigées en temps opportun. Il sera difficile de proposer des solutions à la crise médico-sociale. » Cependant, il met en avant certaines solutions qui ont le mérite de dessiner la trame d'une réforme qui pourrait inspirer les politiques.
Pour résoudre la crise démographique actuelle, qui se traduit notamment par le départ à la retraite de 170 à 200 gynécologues-obstétriciens par an, alors qu'on n'en compte que 50 à 80 formés par an, l'auteur estime qu'il faudrait convaincre les étudiants « que le caractère pénible de la pratique obstétricale peut être profondément modifié par une organisation différente du travail ».
Il faut leur donner l'assurance « qu'ils pourront exercer ce métier dans des conditions leur permettant de vivre normalement en ne prenant pas plus d'une garde par semaine, même en période de vacances des collègues, qu'ils pourront continuer à se former et pratiquer la sous-spécialité de leur choix ». D'où la proposition déjà ébauchée dans le livre blanc du Syndicat des gynécologues et obstétriciens, de regrouper ces spécialistes en équipes plus importantes.
« Le nombre considéré comme optimal par ces jeunes est de 7 à 8. Le regroupement pourrait se faire autour de plateaux techniques adaptés à la réalisation des accouchements mais aussi de l'échographie, de la chirurgie gynécologique, du diagnostic prénatal et des traitements de stérilité. » En outre, il serait utile, poursuit le rapporteur, « de joindre (à ce projet) des arguments financiers pour montrer que ces métiers pénibles sont pris en considération par la collectivité et compensés par des revenus supérieurs à ceux des métiers plus tranquilles, sans gardes, ou très peu de gardes ».
Toutefois, poursuit le Pr Papiernik, il faut que les femmes aient, en toute circonstance, la possibilité d'avoir des consultations de proximité. Il ne serait pas nécessaire de regrouper les consultations prénatales, ni les consultations de gynécologie. « Mais il faudrait qu'une seule équipe de professionnels soit chargée de faire fonctionner le plateau technique et l'ensemble des consultations. »
Dans le même état d'esprit de soulager la tâche des médecins, le rapport estime que la relation entre obstétriciens et sages-femmes doit être mieux reconnu « pour la consultation prénatale, les accouchements normaux et les suite de couches ». S'il ne semble pas indispensable « qu'un médecin soit présent pour un accouchement normal, par contre, il paraît important que le plateau technique pour les accouchements permette l'intervention d'un obstétricien dès qu'une anomalie apparaît ».
Des cercles de qualité
Autre souci : les problèmes rencontrés par nombre de médecins pour renouveler leurs contrats d'assurance. « Il n'est pas question de revenir sur les droits des patients », explique le Pr Papiernik, mais il est évident que « les décisions récentes de la Cour de cassation (...) ont mis en péril la pratique professionnelle des échographistes et de nombreux obstétriciens ». Pour tenter d'enrayer ce phénomène et d'améliorer la qualité des soins, le rapporteur propose de mettre en place, comme cela existe dans certains départements, en particulier en Seine-Saint-Denis et à l'étranger, des cercles de qualité, chargés d'analyser tous les accidents qui se sont produits au cours d'un accouchement.
« Il est possible, écrit le Pr Papiernik, que les techniques d'audit puissent réduire les risques de l'intervention d'un juge dans notre pratique », comme il est possible « qu'une généralisation de ces cercles de qualité en obstétrique réduisent les accidents et diminue la pression medico-légale ». On peut aussi envisager l'organisation de « ces cercles de qualité en groupements de professionnels capables de négocier des contrats de groupe avec les assureurs ». Lesquels « tiendront compte de la réduction mesurable du nombre de sinistres, avec la diminution du nombre de plaintes », en consentant une diminution réelle des primes d'assurance.
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