Guy Vallancien : « Il y a un bel avenir pour le métier de chirurgien »

Publié le 29/04/2013
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Crédit photo : BSIP

LE QUOTIDIEN – Où vous situez-vous dans le débat de l’hyperspécialisation du métier de chirurgien. Ce mouvement va-t-il sauver la chirurgie ou au contraire précipiter sa chute ?

Pr GUY VALLANCIEN – La question n’est pas de sauver la chirurgie. La technicisation accélérée des actes opératoires, la complexification croissante des matériels, la présence des robots… tout cela transforme les blocs en plateformes intégrées où d’autres personnels vont venir faire leurs actes très spécialisés. Nous allons voir émerger, je crois, une génération d’ingénieurs opérateurs intervenant sur des opérations très ciblées.

Ces « ingénieurs » seront-ils médecins ?

Pas forcément. Je pense, par exemple, que dans cette folie du numerus clausus, un certain nombre de collés feraient de merveilleux « chirurgiens ». La chirurgie va en partie disparaître, il faut le dire ! Vont demeurer : la chirurgie esthétique, la chirurgie réparatrice, la chirurgie orthopédique. Dans tous les autres pans, les méthodes de robotique vont changer la donne – voyez la chirurgie cardiaque, qu’en reste-t-il aujourd’hui… ? Certains anciens rêvent en disant : « Et les urgences ! Il faut savoir tout faire ! ». Mais que se passe-t-il aujourd’hui quand, par exemple, un urologue bute une artère ? Il appelle le copain vasculaire ! Et cela signifie – au prix, oui, de quelques accidents qui auraient pu être évités si les chirurgiens avaient su « tout faire » – une amélioration globale de la sécurité opératoire.

Pour résumer : il y a un bel avenir pour le métier de chirurgien mais il sera modifié. On n’est plus dans l’époque des « grandes incisions », des « grands chirurgiens »…

La question de la rémunération est déterminante : les chirurgiens sont-ils sous-payés ?

Le métier de chirurgien est un superbe métier. Qui rend content parce que les malades nous disent encore merci. Est-il sous-payé ? Oui. Au-delà de la chirurgie, la médecine en France est rémunérée 30 % moins cher que chez nos voisins européens. Mais attention, il y a des variables d’ajustement : certes, un urologue américain peut gagner 500 000 dollars par an mais s’il a trois enfants, il va dépenser 100 000 dollars pour les inscrire à la faculté – pour l’urologue français, ce sera 1 000 euros…

Ceci étant, en une trentaine d’années, le train de vie des chirurgiens a décru en France, c’est vrai. Il faut composer avec cette réalité, si les gens ne sont pas contents, ils n’ont qu’à faire trader !

Les critiques sur les dépassements d’honoraires ont blessé vos confrères. Le comprenez-vous ?

Oui. En province, je ne connais pas un chirurgien de secteur II qui ne réalise pas 30, 40 ou 50 % de son activité en secteur I. Alors quand la ministre de la Santé affirme que dans un département, telle spécialité chirurgicale n’est plus accessible, elle a tout faux !

* Guy Vallancien est professeur d’urologie à l’université René Descartes Paris V et président de l’École européenne de chirurgie

 PROPOS RECUEILLIS PAR K. P.

Source : Le Quotidien du Médecin: 9238