« IL Y A QUELQUE CHOSE de pourri dans le royaume de l'hôpital public. » La maxime pourrait être reprise par les deux camps qui s'affrontent actuellement au sein de l'institution, tout comme pourrait l'utiliser un observateur attentif du microcosme hospitalier. Les premiers parce que, pour l'un, le ver est dans le fruit, avec la réforme programmée de la « gouvernance » des établissements, et, pour l'autre, l'hôpital, miné par ses imperfections, court à sa perte. L'observateur, parce que la situation, depuis plus d'un an qu'a été lancée par Jean-François Mattei l'idée d'une révision de l'organisation interne des hôpitaux, lui paraît pour le moins déliquescente. Il y a bel et bien une guerre de tranchées à l'hôpital ; chacun campe sur ses positions et tout rapprochement des deux armées semble impossible.
Dans ce contexte, la journée de jeudi, déclarée jour de grève des médecins de l'hôpital par le Collectif des syndicats de praticiens hospitaliers pour la défense de l'hôpital public (1) et par le Snmh-FO (Syndicat national des médecins hospitaliers Force ouvrière), pourrait avoir valeur de test. Alors qu'il estime rassembler plus de 50 % des médecins de l'hôpital (voir entretien ci-dessous), le Collectif parviendra-t-il après-demain à faire entendre son refus franc et massif de l'imminente réforme, par voie d'ordonnance, de la gouvernance des hôpitaux ? Combattant ni plus ni moins que « le dévoiement de l'institution », « la casse du service public et des fondamentaux (du) métier (de PH) », l'organisation engage de toutes ses forces, via des communiqués au ton vengeur, les hospitaliers à s'insurger : « On voudrait nous faire croire que le remède (aux maux de l'institution) tient tout entier dans un nouveau mode de gestion interne totalement contrôlé par l'administration. »
Anciens contre modernes ?
En face, les « proréforme » présentent la situation comme une querelle d'anciens et de modernes. Dans un manifeste commun, les Drs François Aubart et Roland Rymer, qui président respectivement la CMH (Coordination médicale hospitalière) et le Snam-HP (Syndicat national des médecins, chirurgiens, spécialistes et biologistes des hôpitaux publics), s'expliquent : « Aujourd'hui, dans nos hôpitaux, la responsabilité médicale est profondément remise en cause. La suradministration, la place prise par les directions de soins renvoient le médecin à un rôle de professionnel de santé parmi d'autres. Les services médicaux sont de moins en moins identifiés comme des structures de base de l'hôpital capables de répondre aux besoins des patients. Les praticiens hospitaliers sont de plus en plus vulnérables dans leur indépendance et dans leur action, ce qui explique le malaise actuel. » Ce constat fait, les deux hommes considèrent que, pour peu que les médecins investissent « les différents lieux de responsabilité créés » par le projet d'ordonnance, « le changement s'impose ».
Contre-attaque du Collectif, qui refuse absolument d'être étiqueté comme « ringard » : l'urgence pour l'hôpital « n'est pas d'instaurer la subordination (des médecins) à un ordre gestionnaire et administratif. Ce n'est pas de transformer les médecins en managers ». Les salves s'enchaînent ; le dialogue reste de sourds...
(1) Né en avril dernier, le Collectif rassemble la CHG (Confédération des hôpitaux généraux), l'Amuhf (Association des médecins urgentistes hospitaliers de France), le Snph-CHG (Syndicat national des praticiens hospitaliers des hôpitaux généraux), l'Uphp (Union nationale des syndicats de médecins des hôpitaux publics), la CFE-CGC (Union syndicale CFE-CGC des médecins hospitaliers et hospitalo-universitaires) et l'USP (Union syndicale de la psychiatrie).
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