Cet « appel unitaire » lancé par le PS, le PC, les Verts, la LCR, la Ligue des droits de l'homme, contre le projet Sarkozy de sécurité intérieure, que ces diverses composantes de la gauche assimilent à une « guerre contre les pauvres » témoigne en premier lieu du désarroi de l'opposition.
Elle n'aurait pas recouru à la démagogie si elle s'était sentie plus forte ; son appel ne serait pas aussi strident si elle n'était accablée par son échec à la présidentielle et aux législatives ; elle n'épouserait pas une idée convenue, qui se situe à l'opposé du désir d'ordre de la population si, incapable pour le moment de remonter le courant politique, elle n'avait décidé de jouer son va-tout.
Condamnation virulente
Car il y a une contradicton entre la leçon qu'elle a tirée de son échec électoral et sa condamnation virulente de la politique sécuritaire du gouvernement. Au lendemain de sa défaite, Lionel Jospin lui-même a reconnu qu'il n'avait pas mesuré l'importance de la sécurité pour les Français.
Il est vrai que la gauche est toujours plus à l'aise, peut-être plus crédible, plus enthousiaste en tout cas, chaque fois qu'il s'agit de défendre les droits de l'homme. Mais a-t-elle été efficace quand elle a créé à Sangatte un abcès de l'immigration ? Et qu'a-t-elle fait pendant cinq ans pour les sans-papiers qui réclament aujourd'hui, comme hier, leur régularisation ?
En fait, la gauche est surtout à l'aise quand elle se trouve dans l'opposition. La voici donc qui défend des droits auxquels elle a sacrifié plus de paroles que d'argent quand elle était aux affaires. Et qu'elle juge impératif de protéger quand elle n'est plus aux affaires.
Ce qui n'enlève rien au débat de fond qui l'oppose aujourd'hui à la majorité. Nicolas Sarkozy va-t-il trop loin lorsqu'il décide de lutter contre les mendiants et les squatters ? Toutes les opérations exemplaires de remise en ordre des cités ont commencé par « l'intolérance zéro », c'est-à-dire par la répression des délits mineurs. L'ancien maire de New York a réduit la criminalité dans sa métropole en commençant par s'attaquer aux graffiti, aux bris de fenêtre, au chapardage, aux vols à la tire ou à la roulotte. La mendicité n'est pas nécessairement la traduction d'une misère irrémédiable ; il existe une mendicité organisée, notamment dans les communautés d'immigrants des pays de l'Est, qui crée des postes de travail à des endroits définis, supervisés par des hommes qui collectent les fonds et n'en reversent qu'une faible partie au mendiant lui-même. Dans le métro, la différence entre enfants livrés à la mendicité et enfants qui font les poches des passagers, est imperceptible.
De même, il existe des réseaux de prostitution qui font venir des femmes de l'étranger pour aussitôt les transformer en esclaves sexuelles. Le nomadisme est souvent la manière des immigrants clandestins d'échapper aux contrôles de la police.
Le seul moyen de lutter contre les proxénètes et les mafias de l'Est est de les priver de leur gagne-pain. Ils cesseront d'enseigner le vol à la tire ou la mendicité aux enfants si cette autre exploitation de l'homme par l'homme ne leur rapporte rien ; ils cesseront d'enlever de jeunes Roumaines, Russes ou Polonaises ou de les attirer dans leurs rêts en leur faisant miroiter l'espoir d'une vie meilleure en France, si elles sont arrêtées sur les trottoirs des grandes villes françaises. Quand on s'en tient à l'apparence des choses, on pleure sur le sort de tous ces malheureux sans rien faire pour leur venir en aide, sinon réaffirmer leurs « droits » à voler, à mendier, à se prostituer.
Ce n'est pas un hasard si la belle envolée de la gauche en faveur des pauvres et des exclus suit de très près les ballons d'essai de la majorité sur le contrat d'immigration et le droit de vote des étrangers. Et en plus la droite allait prendre à l'opposition son pain quotidien ! La priver de sa raison d'être ! Une droite « sociale », généreuse, compréhensive ! C'en était trop. Il fallait donc la caricaturer, démontrer - par le tintamarre plus que par les preuves - que, pour supplanter Le Pen, elle revêt ses habits, pour élargir son électorat, elle assouvit l'intolérance et la xénophobie, pour se maintenir au pouvoir, elle ratisse le plus large possible.
La droite répond à l'électorat
Tout n'est peut-être pas faux dans cette série d'accusations implicites. Aussi bien le projet Sarkozy doit-il passer l'épreuve des débats parlementaires et ne sera pas adopté en l'état. Mais, d'une part, l'opposition vient de faire un choix qui risque de balayer ceux qui, en son sein, ont adhéré à son appel et se sont exposés ainsi à une dérive gauchiste qui ne les épargnera pas, alors même que le Parti socialiste discute d'une doctrine qu'il n'a pas encore adoptée.
Et d'autre part, il ne fait pas de doute que la droite a été remise au pouvoir par les électeurs pour mettre de l'ordre dans un pays où, de façon insensée, on continue d'incendier sans raison des voitures à Strasbourg et ailleurs, où on tire au bazooka sur les convoyeurs de fonds, où la pauvreté n'est plus un des aspects les plus révoltants de la condition humaine, mais, dans certains cas, une marginalisation délibérée, arrogante et agressive ; où même les mendiants « nationaux » menacent les citoyens qui ne mettent pas la main à la poche ; où la première victime des canettes de bière lancées au cours du match France-Algérie par des jeunes qui criaient : « Vive Ben Laden » a été une ministre communiste ; où on a peur de prendre le métro ou un bus de banlieue.
Non, à ce jour, Nicolas Sarkozy n'a accompli aucun miracle. Mais si on ne lui laisse pas une chance d'agir, il n'y a aucune raison de croire que l'Etat de droit pourra survivre. Et si la gauche n'intègre pas le problème très compliqué de la sécurité dans son analyse, elle retombera dans le piège qui lui a déjà fait perdre le pouvoir.
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