Les cancers de l’enfant, plus rares et de meilleur pronostic, sont moins bien connus. La fondation ARC réaffirme l’importance de développer la recherche pédiatrique pour pouvoir proposer des traitements adaptés aux spécificités des enfants. Pour le Pr Pascal Chastagner, chef du service d’Onco-hématologie pédiatrique au Centre Hospitalier Régional Universitaire (CHRU) de Nancy, lors d’une conférence organisée par la fondation, le défi en oncopédiatrie est double : « guérir et sans séquelles ».
Une survie à 75 % à 5 ans
Si près de 75 % des enfants sont vivants à 5 ans du diagnostic, par rapport à 50 % chez les adultes, les cancers restent la 1re cause de décès des enfants hors accident. « Chez l’adulte, 355 000 nouveaux cas sont recensés par an, précise la Pr Chastagner. Chez les enfants, il n’y en a heureusement que 2 400. Et sur ces 2 400, heureusement, "seulement 30 %" donnent lieu à des rechutes - ce qui correspond au maximum à 800 cas/an en France, tous cancers confondus ». Ce sont ces cas auxquels s’intéresse en priorité la recherche. Leur rareté nécessite, pour avoir des cohortes suffisantes, de réaliser des essais multicentriques au niveau national et international.
L’objectif de l’étude MAPPYACTS, qui est soutenue aux 2/3 par la fondation ARC, est de développer la médecine de précision chez l’enfant. Ce programme soutenu par la Société française de lutte contre les Cancers et les leucémies de l’enfant et de l’adolescent (SFCE) et le consortium ITCC (Innovative therapies for children with cancers) vise à faire le portrait moléculaire pour tout enfant en rechute ou en échec de traitement. L’idée est d’ouvrir l’accès à des thérapies ciblées en cas d’anomalie génomique identifiée.
Un autre monde
« Un tiers des cancers de l’enfant n’existe pas chez l’adulte, indique le Pr Chastagner. Plus de 80 % des cancers de l’adulte n’existent pas en pédiatrie. C’est un autre monde. » Chez l’enfant, les 4 premières localisations sont les leucémies, les tumeurs malignes cérébrales, les lymphomes et le neuroblastome, par rapport à la prostate, au sein, au côlon-rectum et au poumon chez l’enfant. « Même à histologie identique, les choses sont très différentes, poursuit l’oncopédiatre. Par exemple pour les leucémies, il s’agit de formes aiguës, lymphoblastiques, agressives dans 100 % des cas et de haut grade chez l’enfant, quand c’est le plus souvent des formes chroniques, myéloïdes, moins agressives et de grade moins élevé ».
L’âge médian au diagnostic est de 6 ans chez l’enfant par rapport à 67 ans chez l’adulte. Si la tolérance du traitement est bien meilleure chez les enfants, - la dose de chimiothérapie peut être multipliée d’un facteur 30 par rapport à l’adulte -, les séquelles (cardiaques, rénales, endocriniennes, intellectuelles) sont beaucoup plus fréquentes et retrouvées dans plus de 50 % des cas. « Pour les 75 % de cancers de bon pronostic, l’idée est d’aller vers une désescalade thérapeutique, explique le Pr Chastagner. Il s’agit d’éviter les médicaments les plus toxiques, comme les anthracyclines dont la toxicité cardiaque a conduit certains jeunes adultes en attente de greffe cardiaque. Il s’agit aussi de diminuer ou d’adapter la radiothérapie, par exemple dans les tumeurs cérébrales pour lesquelles les rayons peuvent entraîner des séquelles graves avec retard cognitif et faible QI. Un autre axe concerne la chirurgie, qui doit être la moins mutilante possible. Enlever un sarcome de l’épaule de quelques centrimètres à un nourrisson se traduit à cet âge par une chirurgie délabrante. »
Portrait moléculaire de la tumeur
Pour les 25 % de cancers de moins bon pronostic, l’option habituelle est une intensification de traitement. L’étude MAPPYACTS, qui est ouverte à tout enfant en rechute ou en échec, a pour objectif d’établir le portrait moléculaire de la tumeur et de proposer un traitement ciblé. Les enfants dont la tumeur présente des anomalies génétiques pourront être orientés vers la thérapie ciblée correspondante, soit dans le cadre d’un essai clinique existant de phase 1 ou 2, soit dans un des 6 centres labellisés INCa de phase précoce (CLIP) ayant une activité pédiatrique si la molécule n’a jamais été utilisée chez l’enfant. En cas d’absence d’anomalie génomique, un traitement innovant moins ciblé, par exemple pour augmenter l’immunité anti-tumorale, pourra être proposé.
La caractérisation des tumeurs dans MAPPYACTS passe par 5 niveaux de précision : le séquençage complet de l’ADN, le séquençage de l’ARN, l’expression des micro-ARN, l’ajout de groupe méthyls et l’immunomodulation. L’étude MAPPYACTS est promue en France par Gustave Roussy avec 11 autres centres participants et l’essai s’intègre dans un réseau de recherche européen de l’ITCC. « Des programmes similaires existent à l’étranger, décrit le Pr Chastagner. C’est INFORM en Allemagne, iTHER aux Pays-Bas ou encore COMETH. À l’avenir, l’idée serait de créer une base de données européennes, d’établir des profils moléculaires, de connaître leur évolution dans le temps et de mettre au point des algorithmes de traitement. »
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature