SI, DANS LE DÉBAT PUBLIC, on ressent un malaise, c'est principalement parce que Jacques Chirac et Jean-Pierre Raffarin nous proposent des perspectives de solution contradictoires : on nous dit que l'accès à des soins de qualité pour tous sera préservé ; que les prélèvements sociaux ne seront pas augmentés ; que l'action gouvernementale portera sur les gaspillages, comprendra une dose de maîtrise médicalisée, bref, qu'il n'y aura pas de révolution, mais que le système reviendra à l'équilibre en 2007.
D'abord, l'équilibre en 2007, cela veut dire qu'on aura aggravé entre-temps le passif de l'assurance-maladie de quelque 30 milliards d'euros. Comment le financer ? Ensuite, il nous semble que l'ampleur des déficits ne sera pas maîtrisée par des mesures subtiles ou fondées sur la persuasion : on prononce trop de mots qui ne traduisent que des souhaits, on cache les chiffres. On ne s'attaque pas à un déficit cumulé de quelque 20 milliards d'euros en 2003-2004, avec des négociations ou des rapports, mais avec des recettes nouvelles.
Une réforme implique une logique
On peut fort bien comprendre que le gouvernement, engagé à long terme dans une politique de réduction des prélèvements obligatoires, ne souhaite pas augmenter la CSG. Mais la diminution des prélèvements appartient à une logique macroéconomique qui exige une réduction des dépenses. Ce qui vaut pour le budget vaut pour l'assurance-maladie : si on gèle les ressources, on ampute les dépenses. En gros, le gouvernement a différé la réforme d'un an, sans doute pour ne pas ajouter l'insulte à l'outrage et calmer le bon peuple devenu très réticent. Mais, dans ce cas, il aurait dû augmenter la CSG, ne fût-ce que pour un an. Pas plus qu'une famille, l'État ne peut s'endetter indéfiniment et pour des sommes croissantes. Quelle que soit la méthode choisie, il faudra rembourser. Or la hausse de la CSG aurait été accueillie favorablement. Elle avait un défaut : contrevenir aux idées et surtout aux promesses de Jacques Chirac. Elle en a un autre : celui d'un système de santé hypertrophié qui grossit de manière exponentielle et empêche le financement des autres projets importants.
Mais, dès lors que la politique est l'art du possible, et que la CSG constituait l'un des moyens de ramener le déficit à un niveau moins excessif, le gouvernement ne devait pas s'en tenir au statu quo. A contrario, si le dogme libéral importe à ce gouvernement, il devait peser tout de suite sur le patient-consommateur. Il ne s'agit pas pour autant de jouer de plusieurs micro-instruments, comme les génériques, la chasse au gaspillage, les AcBUS et autres mesurettes susceptibles de résorber un dixième du déficit, mais d'apporter une définition inédite de la solidarité nationale. On a trop tardé en effet à dire ce qui mérite un remboursement et ce qui ne le mérite pas. Cette définition doit être l'axe de toute réforme. Expédier vers les mutuelles une partie des charges de l'assurance-maladie ne changerait rien au problème : une dépense mutualiste accrue entraînerait une hausse des cotisations.
Un double problème
Etrangler l'hôpital comme on l'a fait jusqu'à présent, avec un succès qui fait douter aujourd'hui de la viabilité de la réforme (les besoins en personnels et en équipement sont immenses), nuit à la qualité des soins.
Le gouvernement a aujourd'hui sur les bras un double problème : le déficit et l'érosion progressive de la qualité des soins, pendant que l'exaspération des personnels libéraux et hospitaliers atteint son paroxysme. L'an dernier, il avait à faire des choix draconiens, et ne les a pas faits ; cette année, il devra les résoudre alors que les problèmes se seront aggravés.
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