T ROIS cas suspects de maladie de Creutzfeldt-Jakob sont repérés en Guadeloupe. Tous trois font l'objet d'investigations approfondies de la part de la DDASS (Direction départementale de l'action sanitaire et sociale) et de la Direction générale de la santé. Les patients sont âgés respectivement de 72, 70 et 47 ans.
Le benjamin présente des signes cliniques qui font « suspecter une forme variante » (nvMCJ), selon un rapport parvenu à l'Agence France-Presse. Mais confirmation ne pourra être donnée qu'une fois connus les résultats de la biopsie des amygdales. Un examen qui sera réalisé à Paris après l'amygdalectomie, laquelle n'était toujours pas pratiquée en début de semaine. Et encore ne s'agira-t-il alors que d'une présomption aggravée, l'incertitude, comme on sait, ne pouvant être totalement levée qu'à partir d'une biopsie post mortem du cerveau.
Pas de formalités sanitaires
Selon le directeur de la DASS, Jean-Luc Granjeon, il est impossible de savoir si, comme s'interroge le rapport, « de la viande bovine provenant du Royaume-Uni et/ou des farines animales ont pu être importées par un réseau spécifique à Saint-Martin », le port franc binational (franco-néerlandais) rattaché à la Guadeloupe où les marchandises importées sont livrées à la consommation sans aucune formalité préalable, pas plus sanitaire que douanière.
Juridiquement en vigueur dans la partie française de l'île, les règles de traçabilité de la viande bovine n'y sont pas appliquées, les consommateurs pouvant s'approvisionner librement dans l'autre partie de l'île, territoire autonome membre de la Fédération des Antilles néerlandaises.
Une transmission iatrogène ?
Si la malade réside toujours à son domicile, en dépit de « gros problèmes médico-sociaux », et est suivie par deux médecins de Saint-Martin, les deux autres patients sont hospitalisés au CHU de Pointe-à-Pitre. Le premier, âgé de 72 ans, y a été admis il y a plus d'un an et se trouve dans un état végétatif. Le second, 70 ans, n'a présenté les symptômes fortement suspects d'une MCJ qu'au mois de mars dernier, époque de son hospitalisation.
Or ce patient présente des antécédents chirurgicaux qui font redouter une transmission iatrogène. Il a été opéré à deux reprises dans ce même établissement, en 1984 et en octobre 2000 et cette deuxième intervention concernait l'il, précise au « Quotidien » le Pr Lucien Abenhaïm, directeur général de la Santé. Or, l'il est, après le système nerveux central, l'organe connu pour être le plus infectieux au regard du risque de MCJ.
En 1984, aucune mesure de précaution particulière ne s'appliquait pour réduire les risques de transmission des ATNC (agents transmissibles non conventionnels, pour ne pas dire prions).
En 2000, une circulaire datant de 1995 édictait des mesures qui ont été renforcées par la circulaire du 14 mars dernier (« le Quotidien » du 19 mars). Mais, selon des observations qui sont remontées jusqu'à la DGS, à Paris, le CHU de Pointe-à-Pitre, construit il y a plus de vingt ans, n'a pas bénéficié de l'entretien que nécessite une implantation en pleine zone tropicale. Un journaliste de l'AFP a pu accéder à l'étage des laboratoires et blocs opératoires où des carreaux de revêtement de sol, emporté par endroits, ont été rafistolés avec du ruban adhésif ou du mortier devenu pulvérulent.
« J'ai commandé un rapport pour évaluer le risque iatrogène dans cet établissement, annonce le Pr Abenhaïm. Dans l'immédiat, l'objectif est de repérer tous les instruments chirurgicaux susceptibles d'avoir été utilisés en octobre et de les placer sous séquestre. »
Ce faisant, une liste de tous les patients pour lesquels ils ont été employés pourra être constituée. Mais, en l'absence de test-diagnostic comme de tout traitement, les patients ne feront pas l'objet d'une procédure de rappel, conformément aux recommandations édictées en la matière par le Comité consultatif national d'éthique (CCNE). Toutefois, la question reste de savoir quel protocole sera adopté si l'un de ces patients vient à faire l'objet d'une nouvelle intervention.
« Il faut, quoi qu'il en soit, raison garder, insiste la DGS. Sur les 450 000 habitants recensés de ce département, un cas de MCJ sporadique avait été rapporté en 1997, et, même si ces trois cas devaient être confirmés, nous aurions affaire à une incidence de la maladie inférieure à celle qu'on connaît en métropole. Somme toute, il n'y a aucune raison de s'alarmer plus en Guadeloupe que dans les Hauts-de-Seine. »
Intervenant lui-même à la télévision, le ministre délégué à la Santé, Bernard Kouchner, a rappelé les justes proportions de la maladie : « Chaque année, 90 cas, presque 100 formes classiques de la MCJ sont signalées en France. Et alors qu'on en déclare 800 par an (dont les signes cliniques ressemblent à la MCJ), il n'y en a pas plus qu'avant. »
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