L'AFFAIRE FAIT d'autant plus de bruit que c'est la première fois, selon des spécialistes de ce genre d'affaires, que le Conseil de la concurrence inflige une condamnation financière à une entreprise pour « prix prédateurs ».
La filiale française du laboratoire pharmaceutique anglais GlaxoSmithKline (GSK) vient en effet d'être condamnée par le Conseil de la concurrence à payer une amende de 10 millions d'euros pour avoir mis en oeuvre une pratique de dumping . C'est-à-dire d'avoir appliqué, à l'hôpital, des prix au-dessous de ses coûts de production, dans le but d'éliminer ses concurrents.
Selon la revue d'informations juridiques « Economag », la pratique de « prix prédateurs » peut être démontrée principalement de deux façons : «Soit le prix pratiqué est inférieur aux coûts totaux du produit ou service considéré et la pratique s'inscrit dans le cadre d'une stratégie d'éviction des concurrents; soit le prix pratiqué est inférieur à la moyenne des coûts variables du produit ou service considéré, ce qui établit une présomption de stratégie d'éviction de la part de son auteur. Ce test alternatif est classique en droit communautaire et a été repris dans plusieurs décisions du Conseil.»
C'est ainsi que, selon le Conseil, GSK aurait «fait abusivement obstacle à l'arrivée de certains médicaments génériques à l'hôpital», en vendant le Zinnat injectable, sur 43 marchés hospitaliers distinctsentre 1999 et 2000, à un prix inférieur à ses coûts, afin de dissuader les génériqueurs d'entrer sur les mêmes marchés. Une fois la concurrence éliminée, toujours selon le conseil de la concurrence, «GSK a pu alors remonter ses prix et récupérer les pertes consenties pendant la première phase».
Selon l'institution, la preuve en est que les prix de vente pratiqués sur le Zinnat injectable en milieu hospitalier «étaient inférieurs au prix d'achat de ce médicament par Glaxo France», lequel se fournissait auprès d'une autre filiale du groupe.
Un marché de taille modeste.
Mais le Conseil de la concurrence va plus loin : il estime que la politique de prix mise en oeuvre par Glaxo visait certes un marché de taille relativement modeste (environ un million d'euros par an), mais avec un objectif global plus ambitieux, «qui consistait à se construire une réputation d'agressivité et à envoyer un signal destiné à décourager les petits génériqueurs d'entrer sur le marché des spécialités hospitalières».
Cette stratégie aurait produit les effets attendus puisque, selon le Conseil de la concurrence, elle a permis d'éliminer plusieurs concurrents. «Ces pratiques, conclut le Conseil, ont freiné le développement des médicaments génériques en milieu hospitalier et ont ainsi porté une atteinte grave à l'économie du secteur.»
L'appel ne suspend pas l'amende.
Du côté de GSK, on ne voit pas les choses sous le même angle, et la filiale française du laboratoire britannique exprime son désaccord avec la position adoptée par le Conseil de la concurrence, «tant d'un point de vue factuel, qu'économique et juridique».
GSK réfute notamment «tout particulièrement le fait d'avoir mis en place une stratégie globale d'intimidation», et annonce son intention de faire appel de cette décision. Mais, en l'occurrence, la procédure d'appel n'est pas suspensive du paiement de l'amende de 10 millions d'euros. GSK va donc devoir la payer et attendre de faire valoir son bon droit ultérieurement.
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