De notre envoyée spéciale
Après les trois grandes pandémies du XXe siècle - 1918 (grippe espagnole), 1957 (grippe asiatique), 1968 (grippe de Hong Kong) -, la période interpandémique qui dure depuis plus de trente ans est relativement calme.
Cependant, le risque d'une pandémie demeure et la grippe reste une affection potentiellement dangereuse, surtout pour les personnes âgées de plus de 65 ans et celles souffrant d'une affection de longue durée (ALD). Se justifie alors l'effort porté sur la surveillance du virus et sur l'efficacité de la vaccination, qui demeure la seule prévention possible. Les 14es Rencontres européennes sur la grippe et sa prévention, qui ont eu lieu à Cannes, ont fait le point sur les options et les perspectives de la stratégie vaccinale.
La rencontre organisée par le GEIG (Groupe d'étude et d'information sur la grippe) n'a pas manqué, malgré la douceur cannoise, d'être touchée par les événements récents qui ont ébranlé le monde. Plusieurs intervenants américains n'ont pu ou n'ont pas souhaité faire le voyage. Le Pr Thomas A. Reichert, venu de New York, le rappelait : « Je me suis demandé ce qu'un homme ordinaire devait faire lorsqu'il se trouvait face à des événements extraordinaires. Et j'ai pensé que la réponse était ce que vous tous montrez aujourd'hui : il est important pour un homme ordinaire de trouver le courage ordinaire de mener sa vie ordinaire d'homme libre et de ne pas laisser l'obscurantisme du Moyen Age imposer la nuit à la lumière du monde. »
Une année 2000-2001 calme pour la grippe
D'après les données, l'année 2000-20001 a été, en France, une année calme. L'épidémie hivernale a été d'une faible ampleur : moins de 2 millions de cas de grippe recensés (1,7 million). Le virus circulant, A (H1N1), a touché surtout les enfants et provoqué des formes peu sévères à manifestations digestives (nausées, douleurs digestives, vomissements, diarrhées). Les cas de grippe ont été très rares chez les personnes de 65 ans et plus.
Selon l'enquête GEIG/SOFRES, la couverture vaccinale de la population française reste de 22 % (chiffre stable depuis vingt ans). L'impact de l'abaissement de l'âge de prise en charge du vaccin par l'assurance-maladie (65 ans au lieu de 70 ans en 1999) est réel : 57 % des 65-69 ans se sont fait vacciner contre 36 % l'année précédente. Mais il reste insuffisant chez ces « jeunes seniors » qui n'ont pas encore acquis le réflexe vaccinal.
La donnée la plus inquiétante, mise en exergue par le Dr François Baudier (CNAM), est le faible taux de couverture vaccinale des sujets présentant une ALD : seulement 44 % de ces patients se sont fait vacciner (et ce chiffre est en baisse : 48 % l'année précédente). Le rôle incitatif des médecins est important pour ces sujets dits à risque. Les diabétiques, par exemple, restent insuffisamment vaccinés. De même, le lien entre l'insuffisance cardiaque et la grippe, souligné par le Pr Michel Galinier (cardiologue, CHU de Toulouse), doit être mieux pris en compte. Les infections broncho-pulmonaires liées au virus de la grippe restent la première cause de décompensation chez l'insuffisant cardiaque chronique. Le pic hivernal d'hospitalisation pour cette pathologie correspond tout à fait au pic hivernal des maladies respiratoires.
L'incidence de la maladie, qui augmente avec l'âge, est de 10 % au-delà de 80 ans. A partir de 65 ans, c'est la première cause d'hospitalisation en France.
De ce point de vue, l'expérience du « service d'hiver » ouvert ces deux dernières années au centre hospitalier de Nice est significative. Pour faire face à l'afflux des patients dans le service d'urgence, une unité de 24 lits fonctionnant pendant huit semaines par an a permis d'accueillir les syndromes grippaux. Parmi ces patients, d'une moyenne d'âge de 79 ans, présentant pour la plupart un tableau cardio-respiratoire fébrile, « moins de un tiers étaient vacciné contre la grippe », précise le Dr Pierre-Marie Roger.
Mais le lien entre la grippe et les pathologies cardiaques ne concerne pas seulement les personnes âgées. Les myocardites à virus influenzae A et B ne sont pas rares et touchent en général l'adulte jeune. Si elles passent souvent inaperçues (une étude sur les conscrits a montré que 6 % des pneumopathies grippales se compliquaient d'anomalies à l'ECG), elles peuvent être fulminantes, parfois mortelles : 20 % des causes de mort subite inexpliquée des jeunes adultes seraient des myocardites infectieuses. Cela pose le problème de la généralisation de la vaccination, qui reste le seul traitement. Or, pour ce type d'affection, il ne peut être défini de sujets à risque.
Ainsi, la stratégie vaccinale qui repose sur la détermination de sujets à risque pris en charge par l'assurance-maladie, si elle s'est révélée efficace, mérite d'être réévaluée. Le Pr Claude Hannoun (Institut Pasteur) l'affirme : « Nous sommes à une époque charnière en ce qui concerne la vaccination. Parce que, d'une part, de nouveaux vaccins sont en train d'apparaître et que, d'autre part, on envisage de plus en plus de nouvelles stratégies. » Les enfants, les adultes non à risque actifs, les fumeurs, le personnel soignant pourraient bénéficier de la vaccination.
81 % des personnels de santé ne se font pas vacciner
La grippe chez l'enfant est méconnue, mais son incidence est la même, dès l'âge de 1 an, que celle de l'adulte et le phénomène s'amplifie jusqu'à l'adolescence, pour atteindre 50 % dans certaines épidémies. La mortalité est très faible, mais la morbidité respiratoire et extra-respiratoire est très élevée. Sa principale complication est l'otite moyenne aiguë (OMA). L'enfant, par ailleurs, constitue un réservoir majeur du fait du titre élevé de ses sécrétions naso-pharyngées et d'un portage plus long que chez l'adulte (10 jours). Le vaccin inactivé actuel, prescrit, à raison de 2 demi-doses à renouveler chaque année, est difficile à proposer pour tous les enfants à partir de l'âge de 6 mois. Pourtant la vaccination a sa place, comme le prouve une étude utilisant un vaccin vivant adapté au froid donné en spray nasal : réduction des OMA (40 %), de la consommation d'antibiotiques et du nombre d'arrêt de travail des parents. Il serait peut-être souhaitable, propose le Pr Catherine Olivier (pédiatre, Louis Mourier), « de définir une population à haut risque d'otite moyenne aiguë ou à haut risque d'exposition au virus dans les collectivités ».
La recherche de nouveaux vaccins est attendue, car l'Europe reste réticente à ces vaccins vivants utilisés aux Etats-Unis. Quant à l'extension de la vaccination aux actifs, plusieurs expériences ont montré son efficacité et son intérêt à la fois pour l'employeur et les employés. Les adultes jeunes, fumeurs réguliers, sont aussi concernés : la grippe est chez eux nettement plus invalidante et nécessite un arrêt de travail plus long. Enfin, un point doit être souligné : 81 % des professionnels de santé ne se font pas vacciner. Pourtant, la grippe est à l'origine d'infections nosocomiales. Les données sont peu nombreuses, mais on sait que la transmission se fait de personne à personne, par voie aéroportée, mais aussi par contact, voire par les mains (le virus grippal persiste sur les surfaces jusqu'à 48 heures, sur les tissus jusqu'à 12 heures et 5 minutes sur les mains).
* Les jeunes seniors et les sujets atteints d'ALD sont les cibles principales de la campagne nationale lancée par la CNAM (« le Quotidien » du 19 septembre.
2 types de vaccins
Les vaccins contre la grippe sont trivalents. Ils contiennent 2 souches d'influenza A et 1 souche d'influenza B. Les souches sélectionnées chaque année sont cultivées dans des ufs de poules fécondées. Deux types de vaccins inactivés sont utilisés en France :
- les vaccins fragmentés contiennent des particules du virus de la grippe sous forme fractionnée (y compris les 2 antigènes de surface, l'hémagglutinine et la neuraminidase) ;
- les vaccins à sous-unités purifiés ne contiennent que les 2 antigènes de surface.
Dans le nouveau vaccin (d'après les recommandations émises en février par l'OMS, à partir des données recueillies par les différents réseaux de surveillance), seule la souche B diffère par rapport à l'an dernier :
- 1 souche A/New Caledonia/20/99 (H1N1)
1 souche A/Moscow/10/99 (H3N2)
- 1 souche analogue à B/Sichuan/379/99.
Le vaccin est disponible à partir d'aujourd'hui, au prix de 41,20 F.
Voies de recherche pour la vaccination :
- les vaccins avec adjuvants ;
- les vaccins utilisables par voie nasale ;
- les vaccins fabriqués en culture cellulaire ;
- les vaccins à ADN.
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