Contrairement à ce que l'on croyait, l'enfant comme l'adulte est massivement touché par la grippe. Il pourrait jouer un rôle déterminant dans sa propagation, estime le Pr D. Floret. Selon trois grandes études réalisées aux Etats-Unis et au Japon, les nourrissons de moins de un an et les enfants porteurs d'une pathologie, notamment les asthmatiques, ont un risque d'hospitalisation aussi élevé que les adultes à risque. Les principales causes en sont une pathologie respiratoire et les convulsions fébriles.
La pneumopathie grippale de l'enfant peut conduire à un syndrome de détresse respiratoire, voire au décès, en particulier chez l'immunodéprimé et dans le cadre des grippes nosocomiales. Les spécialistes s'interrogent d'ailleurs sur l'intérêt de la vaccination antigrippale des enfants et soulignent l'importance de l'utilisation des tests de diagnostic rapide au niveau des urgences pédiatriques.
Les interactions virus-bactéries
Les chercheurs s'efforcent aussi de mieux comprendre les interactions virus-bactéries, impliquées dans une morbi-mortalité élevée de la grippe, qui est largement attribuée aux complications respiratoires basses. Majoritairement, l'infection virale précède et potentialise l'infection bactérienne. Ainsi, une augmentation importante de l'incidence des pneumonies bactériennes a été constatée au cours des épidémies de grippe de 1918, 1957 et 1968. Des études démontrent qu'une étiologie virale a été identifiée chez plus de 20 % des enfants atteints de pneumonie bactérienne et chez 41 % de ceux souffrant d'otite aiguë moyenne.
Les mécanismes permettant à une infection virale de favoriser une infection bactérienne sont multiples : altération de l'épithélium respiratoire, augmentation de l'adhérence et de la colonisation bactérienne, interférence avec le système immunitaire. A l'inverse, certaines protéases bactériennes sont capables d'activer l'hémagglutinine de la grippe.
Association avec la pneumonie bactérienne
Sur le plan clinique, la bronchite aiguë demeure la complication respiratoire la plus fréquente de la grippe (3 %-8 % et jusqu'à 15,5 % chez les patients à risque). L'association entre grippe et pneumonie bactérienne est suggérée par le parallélisme dans leur délai de survenue. La pneumonie virale primaire (principalement due au virus Influenza A) survient à J2 ou J3, et la pneumonie bactérienne secondaire (fréquence allant de 1 % à 2,5 %) à partir de J5 à J7, avec récidive fébrile, toux productive et dyspnée. Les bactéries responsables sont S. pneumoniae, H. influenzae, S. aureus mais aussi d'autres bactéries telles que K. pneumoniae, E. coli et P. aeruginosa chez le sujet hospitalisé ou en institution.
Comme le rappelle le Pr Ch. Chidiac, l'antibiothérapie ne doit pas être utilisée en cas de grippe simple de l'enfant ou de l'adulte sans facteur de risque. Il ressort d'une étude que 42,5 % des patients ont reçu des antibiotiques alors qu'une complication est survenue dans 9,5 % des cas. Quant à la place des inhibiteurs de neuraminidase (INA), il a été démontré que l'oseltamivir réduit les complications bactériennes de la grippe (9 % vs 15 %) et le recours aux antibiotiques (6 % vs 11 %) pour l'ensemble de la population.
Enfin, le virus grippal est suspecté de créer les lésions pulmonaires permettant la fixation des souches de S. aureus résistantes à la méticilline et productrices de cytotoxine associée non seulement à la survenue d'infections cutanées mais aussi à la pneumonie nécrosante staphylococcique.
D'après les communications des Prs D. Floret (Lyon) et Ch. Chidiac (Lyon) et des Drs Ph. Carenco (Hyères), Ph. Dussart (Cayenne), Fr. Stoll-Keller (Strasbourg), G. Lina (Lyon) lors de la 8e Journée nationale des GROG à l'Institut Pasteur.
Le point sur l'épidémie
Les dernières données des réseaux de surveillance de la grippe indiquent que le seuil épidémique a déjà été dépassé dans de nombreuses régions françaises (9 selon le GROG et 17 selon le réseau Sentinelles : Champagne-Ardennes, Franche-Comté, Nord - Pas-de-Calais, Bourgogne, Rhône-Alpes, Basse-Normandie, Picardie, Centre, Haute-Normandie, Auvergne, Bretagne, Languedoc-Roussillon, Pays de la Loire, PACA, Ile-de-France, Poitou-Charentes et Aquitaine).
La population la plus touchée est celle des 3 à 44 ans.
Parmi les prélèvements réalisés au cours des deux dernières semaines sur des malades consultant pour une infection respiratoire aiguë, 40 % étaient positifs pour la grippe, d'après le GROG.
Les virus circulants sont essentiellement les souches de type A (H3N2)s de type Wyoming, Panama ou Fujian.
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