Les internes et résidents, en grève des gardes et astreintes depuis le 19 novembre, attendent beaucoup de la rencontre prévue aujourd'hui en fin d'après-midi entre leurs représentants et le ministre délégué à la Santé, Bernard Kouchner. Après trois rencontres infructueuses avec ses conseillers, le ministre les avait reçus lui-même vendredi sans leur faire de proposition. Demain, les quatre syndicats à l'origine du mouvement - l'Intersyndicat national des internes des hôpitaux des villes de faculté (ISNIH), le Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG), l'Intersyndicale nationale autonome des résidents (ISNAR) et la Fédération nationale des syndicats d'internes en pharmacie (FNSIP) - appellent à une grève totale des soins pour la journée de jeudi, comme ils l'avaient fait il y a une semaine, avec une manifestation nationale à Paris.
Le mouvement de grève des gardes et astreintes demeure très suivi dans les 26 villes de CHU et de nombreux hôpitaux périphériques.
L'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) continue à soutenir le mouvement. Son président, Guillaume Gauchotte, n'exclut pas d'appeler les étudiants des premier et deuxième cycles à se joindre à la grève de demain en fonction des résultats de la rencontre de ce soir.
De son côté, le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs (SNPHAR), qui soutient « pleinement » le mouvement, s'étonne de ce « qu'aucune solution n'ait été trouvée pour répondre à la légitime aspiration des internes en médecine : une réelle reconnaissance socio-professionnelle ». Il estime que les internes doivent bénéficier des mesures sur la réduction du temps de travail obtenues par le corps des praticiens hospitaliers le 22 octobre dernier ce qui constituerait, selon le syndicat, « une juste normalisation ».
Dans l'entretien ci-dessous, Florent Perin-Dureau, président de l'ISNIH, décrit l'état d'esprit qui règne dans les hôpitaux depuis le début de la grève. Il affirme avoir reçu le soutien de nombreux responsables hospitaliers.
Florent Perin-Dureau (ISNIH) : la grève prouve que nous ne sommes pas des étudiants
Après quinze jours de grève, quel bilan tirez-vous du mouvement que vous avez lancé ?
FLORENT PERIN-DUREAU
Les internes restent fortement mobilisés, malgré les difficultés qui apparaissent au fil des jours. Ils sont de plus en plus souvent assignés par les directeurs d'hôpitaux, car les médecins seniors ne sont pas en nombre suffisant pour remplacer les internes grévistes pendant les gardes. En outre, tout cela coûte cher aux hôpitaux, qui commencent à le faire savoir au ministère : quand un senior effectue la garde à la place d'un interne, le tarif est, selon les cas, 2,5 fois ou 3 fois plus élevé. La grève fait la démonstration par l'absurde que, contrairement à ce qu'affirme Bernard Kouchner, nous ne sommes pas des étudiants. Nous effectuons un travail vital pour les hôpitaux.
C'est vrai que les praticiens hospitaliers commencent à tirer la langue, même si nous avons leur soutien. Chez les chefs de service, le climat est très variable : dans les services où ils ont l'habitude de faire des gardes, cela se passe bien ; dans d'autres, heureusement minoritaires, ils se montrent hostiles au mouvement, que cela soit en psychiatrie, en biologie ou en réanimation. Certains vont jusqu'à menacer de ne pas valider les stages des internes. En fait, toutes les spécialités sont potentiellement concernées. Les problèmes qui peuvent survenir (cela a été le cas à Amiens ou à Toulouse, et cela le demeure à Reims) sont souvent liés à l'historique de la CME (commission médicale d'établissement) locale. Mais à Poitiers ou à Nancy, où les gardes sont pourtant assurées à 100 % par les seniors, il n'y a aucun problème.
Un certain nombre de maires de grandes villes l'ont déjà fait, en écrivant au gouvernement pour nous soutenir et en recevant nos délégations locales lors de la grève totale des soins de jeudi dernier. C'est le cas de Jean-Marc Ayrault, maire de Nantes, ce qui est important pour nous, étant donné ses fonctions de président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale. C'est également le cas d'Alain Juppé à Bordeaux, de Philippe Douste-Blazy à Toulouse, de Georges Frèche à Montpellier, ou encore des maires de Rouen et de Lyon.
Lors des négociations qu'avait menées en 2 000 la ministre de l'Emploi et de la Solidarité de l'époque, Martine Aubry, la rigueur et l'honnêteté dominaient. Ce n'est pas ce qui vient de se passer avec les conseillers de Bernard Kouchner, qui ont fait preuve de mauvaise foi. Nous espérons qu'aujourd'hui, le ministre délégué à la Santé amorcera un vrai dialogue.
Malgré certains points flous, cet accord n'est pas mauvais. Concernant l'attractivité des carrières hospitalières, je ne peux m'exprimer qu'à titre personnel. Il y a une dichotomie entre ceux qui veulent rester en CHU et qui sont prêts à faire des sacrifices, et les autres, très nombreux, qui ont envie de fuir l'hôpital. En chirurgie et en anesthésie, tout particulièrement, la situation est très moyenne, parce qu'il faut dans ces domaines une organisation impeccable. Quand il faut trois quarts d'heure de négociations au téléphone afin d'obtenir un scanner pour le lendemain, plus une heure pour avoir les résultats, c'est autant de temps qu'on n'a pas pour pour voir d'autres malades. En tant qu'internes, nous le voyons déjà. Nous ne voulons plus passer 20 à 40 % de notre temps à des tâches administratives.
Un soutien aux généralistes
A contrario, avez-vous une image positive de la médecine libérale ?
Personnellement, l'image que j'en ai est plus positive que celle de l'hôpital, mais c'est un monde que nous connaissons mal. D'ailleurs, le fait que beaucoup de jeunes médecins fuient le public, sans savoir ce qu'est réellement la médecine libérale, crée beaucoup de déconvenues. Pour l'avenir, notre crainte est que les directions centrales du ministère de la santé « pourrissent » de plus en plus l'exercice libéral, afin de faire revenir les médecins à l'hôpital.
A ce propos, nous soutenons les revendications des médecins généralistes en grève pour la revalorisation de leurs honoraires. Nous trouverions normal que le tarif de la consultation du généraliste soit aligné sur celle du spécialiste (150 F).
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