Guérilla administrative. C’est le mot d’ordre de plusieurs syndicats depuis le début de l’année. Après la fermeture des cabinets organisée entre le 23 et le 31 décembre 2014, la lutte contre le projet de loi de santé de Marisol Touraine passe désormais par la grève administrative.
Nous voulons « noyer la Sécu sous le papier » affirme la FMF. La CSMF appelle les libéraux à utiliser « une feuille de soins papier à chaque fois que le montant de l’honoraire, déconnecté de la valeur du service rendu, ne sera pas un obstacle aux soins », MG France à boycotter les « télé services de l’assurance maladie (arrêts de travail en ligne ... ) et la télétransmission des feuilles de soins électroniques ».
Ces modes d’actions sont dénoncées par Marisol Touraine, pour qui le boycott de la carte Vitale par les médecins « ne serait pas responsable ». La ministre de la Santé écarte à ce stade toute sanction à leur encontre. Pour combien de temps ? À quoi s’exposent les professionnels engagés dans cette guérilla administrative ?
Une sanction conventionnelle
La Caisse peut-elle sanctionner les médecins qui stopperaient la télétransmission ? La réponse est oui. La facturation électronique est en effet un engagement conventionnel, rappelle l’assurance-maladie dans un communiqué publié au début du mois de janvier. Elle souligne que cet engagement a été « pris par les syndicats représentatifs des médecins libéraux »… ceux-là mêmes qui appellent aujourd’hui à la grève administrative.
À ce stade, le ministère n’envisage pas de sanction. Mais la possibilité est inscrite dans la loi. L’avenant n°2 à la convention nationale signée le 26 juillet 2011, et publié au J.O. prévoit que les contrevenants s’exposent à une « suspension de la participation des caisses aux avantages sociaux » de trois mois, puis de six mois en cas de récidive, si le médecin n’a pas modifié sa pratique dans les trois mois qui suivent la sanction initiale.
Qui est concerné ? Les textes entretiennent le flou à ce sujet. Il est précisé que les médecins s’exposent à une sanction « en cas de non-respect de manière systématique de l'obligation de transmission électronique des documents de facturation ». En théorie, on peut penser que la grève administrative entre dans ce cadre. La convention prévoit des exceptions à la facturation électronique, mais seulement « du fait de l’absence ou de la non présentation de la carte d’assurance maladie » (article 52 de la convention).
La sanction n’est cependant pas automatique. La procédure est précisée en annexe XXII de la convention de 2011. Le médecin en infraction reçoit un premier avertissement. Il dispose d’un délai d’un mois pour rectifier le tir. Si ce n’est pas le cas, son dossier sera renvoyé devant la Commission paritaire locale.
Un manque à gagner
La quasi-totalité des généralistes bénéficient de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP). Un boycott de la carte Vitale la remet en cause… selon l’ampleur de la pratique. La convention prévoit en effet un seuil de télétransmission pour déclencher la ROSP. Les médecins doivent « atteindre un taux prédéterminé de télétransmission en feuilles de soins électroniques supérieur ou égal à 2/3 ». Rappelons que, selon l'assurance-maladie, la prime moyenne perçue par les généralistes en 2013 était de 5 774 euros.
La grogne des patients
Dans son bras de fer qui l’oppose aux médecins, c’est un argument que Marisol Touraine ne s’est pas privée d’utiliser : le boycott de la carte Vitale par les médecins « ne serait pas responsable vis-à-vis de leurs patients. Je ne peux pas imaginer que des médecins, dans leur cabinet, ne se préoccupent pas de la situation de leurs patients » a affirmé Marisol Touraine.
Très favorable à la généralisation du tiers payant, l’UFC-Que Choisir a été un cran plus loin. La semaine dernière, l’association de défense des consommateurs organisait la fronde des patients en invitant ceux qui se voyaient refuser la carte Vitale par leur médecin traitant à le régler... en pièces jaunes.
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