I L n'est jamais trop tard pour essayer de bien faire. Surtout à moins d'un an d'une élection présidentielle.
Lionel Jospin a commencé à tirer la leçon de ses récents entretiens avec les syndicats et le patronat, au cours desquels il a entendu, pendant trois jours, la même petite musique désagréable : depuis 1997, le gouvernement « méprise » les partenaires sociaux, « oublie » de négocier sur le terrain social et, s'il continue dans cette voie étatiste, s'expose à de graves déconvenues. La décision du Medef de ne pas renouveler le mandat de ses administrateurs à la Sécurité sociale, si les règles du jeu ne changent pas, serait la première conséquence de cet état de fait.
Le message a été entendu.
Dès cette semaine, le Premier ministre devrait lancer « son » chantier de la refondation sociale dont il précisera les modalités et le calendrier. Au menu, trois grands thèmes de négociation sont déjà arrêtés : la démocratie sociale, le plein emploi et, surtout, l'avenir de la Sécurité sociale, avec la clarification attendue des rôles entre l'Etat et les partenaires sociaux. Le financement des 35 heures par la Sécurité sociale, qui a cristallisé la colère du Medef, et le système de maîtrise des dépenses d'assurance-maladie pourraient également être abordés dans ce cadre. Un document de synthèse de Matignon devrait cadrer les premiers débats.
Dans le même esprit, le gouvernement a décidé, tardivement, de convier ès qualité les confédérations syndicales et les organisations patronales au deuxième « Grenelle de la santé », consacré théoriquement à la réforme des soins de ville. Les partenaires sociaux n'avaient pas été invités à la première journée du genre, le 25 janvier dernier, qui avait pourtant déjà réuni une cinquantaine de personnes, ce qui laisse augurer du temps de parole de chaque intervenant.
Mélange des genres
En annonçant sa propre démarche de rénovation sociale à la veille de la trêve estivale, en élargissant in extremis le « Grenelle de la santé » aux partenaires sociaux, en invitant aussi le PS à approfondir sa réflexion sur le terrain social, Lionel Jospin, reprend la main, mais prend le risque de donner l'impression de naviguer à vue. Et de ne pas convaincre.
Denis Kessler, vice-président du Medef, a déjà déclaré que l'organisation patronale participerait au « Grenelle de la santé », mais en précisant que « cela ne suffira pas à nous faire revenir et à nous faire nommer des administrateurs d'ici au 31 juillet prochain (date limite du dépôt des candidatures) ». Pour Solange Morgenstern, secrétaire nationale de la CFE-CGC, le gouvernement « mélange les genres » en associant les partenaires sociaux au « Grenelle de la santé », dont l'enjeu principal est d'examiner les propositions de réforme de la médecine de ville élaborées par le comité des sages (leur rapport est quasiment bouclé). « Il n'est pas question pour nous, met en garde Solange Morgenstern , de travailler sur le sujet crucial de la répartition des responsabilités entre partenaires sociaux gestionnaires et Etat dans une assemblée pléthorique dont les préoccupations de chacun des membres ne sont pas homogènes. » Pour André Hoguet (CFTC), il y a une « très nette distinction » à faire entre la journée du 12 juillet « qui n'est qu'un aspect des choses, une réflexion sur l'avenir la convention médicale » et la négociation tripartite dans le cadre de la refondation sociale qui est « tout un autre chantier ».
« Opportunisme »
Les représentants des médecins libéraux restent eux aussi très prudents. Le Dr Dino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux (SML), estime que le « gouvernement essaye de récupérer le patronat et improvise au gré des discussions ». « Je ne sais pas où le Premier ministre veut aller, ajoute le Dr Cabrera. Il faut un vrai Grenelle de la santé, et non pas des réunions rue de Grenelle! » Quant au Dr Michel Chassang, président de l'Union nationale des omnipraticiens français (UNOF), il estime que le gouvernement a agi « par opportunisme » en conviant les partenaires sociaux le 12 juillet. « Il a suffi que le Medef fasse sa chochotte pour que le gouvernement détourne une réunion qui devait être consacrée à la médecine de ville. C'est un peu révoltant. »
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