L'apparition, au début des années 1980, de la ciclosporine a constitué une révolution dans la transplantation : amélioration spectaculaire de la survie chez les patients recevant des greffes non rénales. Au bout de vingt ans, la ciclosporine et un autre inhibiteur de la calcineurine, le tacrolimus, restent les pierres angulaires du traitement anti-rejet.
Pourtant, ces vingt dernières années, on a observé une nouvelle complication après greffes non rénales : l'insuffisance rénale chronique, avec baisse de la filtration glomérulaire de 30 à 50 % dans les six premiers mois, suivie par une stabilisation ; une HTA est présente chez la majorité des patients ; les biopsies rénales montrent une fibrose interstitielle avec atrophie tubulaire, hyalinose artériolaire et sclérose glomérulaire.
La principale cause de ces anomalies rénales est la toxicité des inhibiteurs de la calcineurine ; ce à quoi il faut ajouter d'autres facteurs : lésions rénales périopératoires, HTA, diabète, hépatite C, autres médicaments néphrotoxiques.
Il était indispensable d'en savoir davantage sur le risque d'insuffisance rénale chronique après greffe non rénale ; c'est dire tout l'intérêt de l'étude d'Akinlolu Ojo et coll. (1), qui, entre 1990 et 2000, a porté sur près de 70 000 receveurs de greffes non rénales : coeur, poumons, coeur-poumons, foie et intestin. Après un suivi moyen de trente-six mois, une maladie rénale chronique sévère (taux de filtration glomérulaire à 29 ml/min/1,73 m2 ou moins) a été observée chez 16,5 % des patients ; avec, chez près d'un tiers, un stade terminal nécessitant la dialyse ou la greffe rénale ; cela avec la mortalité associée.
IR terminale : de 1 à 1,5 % par an
L'insuffisance rénale (IR) terminale survenait à un rythme de 1 à 1,5 % par an.
Selon deux éditorialistes (Colm Magee et Manuel Pascual), plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette étude.
D'abord, « le risque de maladie rénale sévère doit être ajouté à la liste des autres risques associés à la transplantation, comme les infections opportunistes, les cancers et les maladies osseuses ».
Deuxièmement, avec l'allongement de la durée de vie des greffés, un taux d'IR terminale de 1 à 1,5 % pa an peut se traduire par un besoin de dialyse ou de greffe rénale pour des milliers de patients. D'où un coût financier très important, à ajouter au coût réel de la transplantation.
Troisièmement, la transplantation rénale peut améliorer la survie en cas d'IR terminale. Mais on connaît la pénurie de greffons rénaux.
Chercher à réduire l'incidence
Quatrièmement, ce travail devrait stimuler la réalisation de nouvelles études pour déterminer comment on pourrait réduire l'incidence de la maladie rénale chronique après greffe non rénale. Dans la transplantation rénale, on a pu améliorer, au moins à court terme, la fonction rénale en réduisant la dose d'entretien des inhibiteurs de la calcineurine sous couvert d'immunosuppresseurs non néphrotoxiques (mycophenolate mofetil et sirolimus). Des approches similaires constituent une piste pour les greffes non rénales. On pourrait aussi, à l'avenir, tenter d'identifier des traits génotypiques ou phénotypiques exposant à la toxicité des inhibiteurs de la calcineurine ; et induire une tolérance chez le receveur pour réduire le traitement anti-rejet.
En attendant, il faut tenter de réduire le risque rénal notamment : par des soins pré- et périopératoires ; en évitant l'IR aiguë médicamenteuse dans la période post-greffe précoce ; en contrôlant l'HTA...
« New England Journal of Medicine » du 5 septembre 2003.
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