Les progrès en matière d'immunosuppression sont particulièrement appréciables pour les étapes à court terme, avec une diminution très importante de l'incidence du rejet aigu.
La question du rejet chronique n'est pas complètement résolue. Les médicaments immunosuppresseurs manquant de spécificité, le traitement à long terme est associé à des effets secondaires sévères, tels qu'une incidence élevée de cancers et d'infections opportunistes.
La solution logique est d'induire chez le transplanté une tolérance spécifique pour les tissus du donneur (tolérance de greffe). Ce qui a été réalisé expérimentalement chez le rongeur, mais sans que des résultats cliniques n'aient été obtenus.
Les médicaments immunosuppresseurs ont un effet négatif sur l'induction d'une tolérance de greffe.
On sait qu'ils agissent, d'une part, sur la fonction des lymphocytes T qui interviennent dans le maintien de la tolérance périphérique et, d'autre part, sur le développement de la tolérance centrale.
Le protocole décrit par Thomas Starzl et coll. (Pittsburgh)tire avantage de ce double effet des immunosuppresseurs.
Un traitement avant la greffe
Les auteurs ont formulé l'hypothèse que les mécanismes de la tolérance acquise peuvent être facilités si on joue sur les dosages et les programmations de prises des immunosuppresseurs, en s'appuyant sur un principe thérapeutique double : le prétraitement des patients et une immunosuppression minimale après transplantation.
La méthodologie a consisté à prétraiter 82 patients qui devaient recevoir une greffe de rein, de foie, de pancréas ou intestinale par une immunoglobuline antithymocyte de lapin hautement réactive. Puis à ne donner après la greffe qu'un seul médicament immunosuppresseur, le tacrolimus, à moins que ne survienne un événement imposant l'usage d'autres thérapeutiques.
Au bout de quatre mois, les patients sous monothérapie ont été, si possible, traités tous les deux jours, voire à des intervalles plus longs.
Les résultats de ce protocole montrent la présence fréquente de signes d'activation immunitaire sur les échantillons de greffons prélevés. Mais, sauf dans le cas d'une menace évidente de rejet aigu ou de destruction immunitaire sérieuse, le traitement n'a pas été intensifié.
Des doses espacées d'antirejet
La morbidité en rapport avec l'immunosuppression a été pratiquement éliminée. Au total, 78 des 82 patients survivaient à un an, puis au terme des 18 mois de l'étude. La survie des greffons est de 73/82 à un an et de 72/82 à dix-huit mois. Parmi les 72 receveurs ayant des greffons vivants, 43 avaient des doses espacées de tacrolimus en monothérapie : tous les deux jours (n = 6), trois fois par semaine (11), deux fois par semaine (15) ou une fois par semaine (11).
« Starzl et coll. ont pu réduire de manière importante l'immunosuppression de maintien. Plus de la moitié des patients ayant des greffons fonctionnels étaient sous doses espacées de monothérapie au tacrolimus », écrit un éditorialiste (Frans Claas, Pays-Bas). L'étape suivante consisterait à trouver les déterminants biologiques pour identifier la sous-population chez qui on peut diminuer progressivement les posologies, voire arrêter le traitement immunosuppresseur.
Le prétraitement a servi à détruire le répertoire de cellules T alloréactives spécifique du donneur. Ensuite, on essaie de créer un environnement favorable pour que le système immunitaire établisse un nouvel équilibre et développe une tolérance à la fois pour le soi et les antigènes du donneur.
« The Lancet », vol. 361, 3 mai 2003, pp. 1502-1510, et commentaire, pp. 1489-1490.
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