Greffe d'un lobe hépatique : deux succès après prélèvement laparoscopique

Publié le 03/02/2002
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Chez l'enfant, le nombre de greffons compatibles est plus réduit que chez l'adulte. Les listes d'attente s'allongent et dans certains centres le taux de mortalité parmi ces enfants en attente d'une greffe est de 40 %. Le prélèvement du segment latéral gauche chez un donneur adulte en bonne santé (habituellement un des deux parents) est une alternative au manque de greffons disponibles (l'autre technique consisterait à diviser en deux un foie prélevé chez un donneur décédé : le segment droit allant à un receveur adulte, le gauche à un enfant). Le greffon prélevé chez un donneur vivant présente l'avantage d'être de bonne qualité et de pouvoir être transplanté dans de bonnes conditions. Cette technique est largement employée dans des pays où le prélèvement d'organes sur les cadavres n'est pas autorisé, comme au Japon. Mais si elle est acceptable pour le receveur, elle expose le donneur à un risque chirurgical non négligeable, avec un taux de morbidité de 20-40 % et de mortalité de 0,2 %.
La voie explorée par l'équipe française (Daniel Cherqui, hôpital Henri-Mondor, Créteil, et coll.) présente l'avantage de diminuer le risque opératoire pour le donneur. Elle avait déjà été utilisée avec succès dans les prélèvements de rein, mais jamais hépatiques.

Une atrésie des voies biliaires

Les deux enfants receveurs (1 an) avaient tous les deux une atrésie des voies biliaires. Ils étaient tous les deux en attente d'une transplantation et présentaient une insuffisance hépatique sévère, avec ictère et ascite. Aucun donneur n'était compatible.
La mère du premier (27 ans) et le père du second (31 ans) se sont portés volontaires. Une lobectomie hépatique (résection des segments 2 et 3) avec résection des artère et veine porte, de la veine hépatique et des canaux biliaires a été effectuée sous laparoscopie. Contrairement à une intervention classique, il n'y a pas eu de clampage des vaisseaux. Un pneumopéritoine a été réalisée sous dioxyde de carbone maintenu à 12 mmHg. Une incision à 10 cm au-dessus du pubis (par Pfannenstiel) a permis de retirer le greffon. L'opération a nécessité la pose de 5 trocarts avec un abord de moins de 12 mm.
La durée de l'intervention chez les donneurs a été respectivement de sept et six heures, pour une période d'ischémie de quatre et dix minutes et une perte sanguine de 150 et 450 ml. Aucune transfusion n'a été nécessaire. Aucune complication n'a été notée ni per-, ni postopératoire. La femme a reçu de la morphine pendant deux jours et a quitté l'hôpital au bout de sept jours. L'homme n'a pas eu besoin de morphine et son hospitalisation a duré cinq jours.
Les greffons ont été transplantés avec succès. L'un des deux enfants avait un réseau artériel en mauvais état et a connu des problèmes de thrombose au deuxième jour, qui ont été totalement résolus en quatre mois. Les deux greffons ont fonctionné immédiatement, les enfants ont été extubés à un et deux jours et ont quitté l'hôpital au 31 et 35e jour.

Des complications moins fréquentes

Ces deux cas pilote prouvent que ce type d'opération est possible. Le peu de cas pratiqués à ce jour, ne permet pas de conclusions définitives, mais les auteurs ont déjà employé cette technique pour des résections de foie (hors transplantation). Sur une série de 50 (incluant 20 lobectomies gauches), ils n'ont pas eu de décès et il semble que les complications à type de saignement, d'obstruction biliaire, d'embolie pulmonaire, d'occlusion intestinale ou encore de problèmes sur la cicatrice soient moins fréquents. La durée d'hospitalisation est également réduite. Cela devrait permettre d'augmenter le nombre de donneurs.

« The Lancet », vol. 359, 2 février 2002, pp. 392-396 et 368-369.

Une nouvelle technique pour réduire le greffon

Une équipe lyonnaise rapporte avoir, à l'aide d'une technique originale, réussi la transplantation hépatique d'un greffon de taille réduite, d'une masse inférieure à 1 % du poids corporel du receveur, ce qui est habituellement la masse critique. Ce succès, s'il se vérifie sur le suivi à long terme, pourrait permettre d'augmenter le nombre des greffés et de pallier le manque des donneurs. Pour éviter la congestion de la greffe et l'échec dû à une surperfusion, Olivier Béraud et coll. ont réalisé une dérivation complète du flux veineux mésentérique supérieur à l'aide d'une anastomose mésentéricocave, avec une ligature de la veine mésentérique supérieure.
Une patiente de 55 ans pesant 70 Kg, souffrant d'une cirrhose décompensée après une hépatite C, a bénéficié de la technique, lui permettant de recevoir un greffon d'un lobe hépatique gauche de 430 g. Grâce à la technique, le greffon était alimenté par du sang veineux des veines splénopancréatiques et gastro-duodénales. Les suites opératoires ont été simples, avec une sortie à J21. Le greffon, histologiquement normal, a doublé de volume en une semaine et était considéré comme normal à 5 mois.

Lettre publiée dans le « Lancet », vol. 359, 2 février 2002, pp. 406-407.

Dr Lydia ARCHIMÈDE Dr B.V.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7058