LES vingt dernières années, la transplantation allogénique de cellules souches hématopoïétiques est devenue un traitement principal des leucémies. Chez les patients éligibles, la radiothérapie et la chimiothérapie ont pour objet de tuer les cellules leucémiques et de provoquer une immunosuppression destinée à prévenir le rejet de greffe. Les cellules immunitaires de la moelle greffée éradiquent les cellules malignes hématopoïétiques résiduelles : c'est l'effet « greffon contre leucémie » (GVL pour Graft versus Leukemia).
L'effet greffon
contre leucémie
En raison de l'état d'immunosuppression du receveur, le rejet du greffon est rare mais, parfois, les cellules immunitaires du donneur attaquent les cellules de l'hôte et peuvent aboutir à la maladie du greffon contre l'hôte (GVHD pour Graft versus Host Disease).
On cherche depuis longtemps à faire la part des choses entre l'effet GVL et la GVHD.
C'est dans ce contexte que l'équipe du Canadien Pierre Fontaine (Montréal) publie un nouveau travail dans « Nature Medicine », travail dans lequel les chercheurs montrent que la perfusion de lymphocytes spécifiques d'un seul antigène mineur immunodominant d'histocompatibilité peut entraîner la rémission (GVL) sans provoquer la maladie (GVHD).
La découverte de l'effet curatif (effet GVL) des lymphocytes T accompagnant les transfusions de cellules souches du donneur s'est faite au fil du temps. On a observé en 1980 que les patients recevant une moelle déplétée en cellules T avec l'objectif d'empêcher la GVHD ont un risque de rechute supérieur à celui des sujets qui reçoivent des cellules de moelle non manipulées. La preuve finale de l'effet GVL des cellules T est venue de l'observation que les perfusions de lymphocytes du donneur (DLI pour Donnor Lymphocytes Infusion) restaurent la rémission chez les patients en rechute.
Les antigènes mineurs d'histocompatibilité, initialement identifiés comme des molécules cibles dans le rejet de greffe de peau, ont clairement un rôle important, à la fois dans la GVHD et dans l'effet GVL. En toute logique, ils doivent donc être des cibles pour les lymphocytes du donneur qui médient la GVL ; mais ils sont aussi probablement les cibles de la GVHD qui complique parfois la DLI.
Heureusement, on peut faire une DLI sans induire une GVHD, par exemple en administrant les lymphocytes longtemps après la greffe de moelle.
L'équipe de Fontaine a conduit son travail chez des souris modèles de la greffe de moelle et de la DLI chez l'homme. Sans entrer dans les détails, elle montre que la perfusion de cellules T dirigées contre un seul antigène mineur H immunodominant (antigène B6dom) a un puissant effet antitumoral sans provoquer de GVHD.
Effet tumoral puissant sans GVHD
De plus, si cet antigène est exprimé également dans les cellules somatiques du receveur, l'effet antitumoral n'est pas perdu et il n'y a pas de GVHD. Cet effet GVL en l'absence de GVHD semble lié à un faible niveau d'expression de l'antigène H mineur dans les tissus somatiques.
« Les résultats rapportés ici indiquent qu'une approche pour résoudre le dilemme GVHD/GVL serait de se concentrer sur un seul antigène mineur H immunodominant - pour sélectionner les cellules T spécifiques du donneur à administrer au receveur leucémique », estiment les éditorialistes.
« Nature Medicine », juillet 22001, pp. 789-794 et 769-770.
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