Le groupage HLA a révolutionné le traitement par greffe de moelle osseuse hématopoïétique (CSH) des leucémies. Mais la recherche de donneurs compatibles dans la famille ou en dehors de la famille est longue comparée à l'urgence de la transplantation. Aussi, 60 % des patients ne peuvent en bénéficier. Tout patient a au minimum un membre de sa famille qui possède au moins un haplotype HLA identique au sien. A la condition de pouvoir déjouer la barrière d'histocompatibilité, ils peuvent être des donneurs potentiels.
De telles greffes sont désormais possibles grâce à l'élimination des lymphocytes T dans le greffon et la transplantation de cellules souches qui préviennent la survenue du rejet. En effet, le déficit en cellules T réduit la réaction du greffon contre l'hôte (GVHD : Graft Versus Host Disease). Cependant, on sait que, dans les allogreffes, ces lymphocytes aident à la prise de greffe, activent la reconstitution du système immunitaire et surtout l'éradication des cellules leucémiques résiduelles du receveur (effet GVL : Graft Versus Leukemia).
Dans « Science », Loredana Ruggeri et coll. montrent que les lymphocytes NK (Natural Killer) peuvent maintenir l'effet GVL tout en prévenant la réaction GVHD.
En effet, ces lymphocytes NK sont liés au système majeur d'histocompatibilité (CMH) : ils expriment des récepteurs NK inhibiteurs (appelés chez l'homme Killer Ig-like Receptors : KIR) qui reconnaissent les molécules HLA de classe I. Chaque individu possède des cellules NK qui expriment un KIR unique et qui peuvent être bloquées par une molécule spécifique de classe I. On peut utiliser cette propriété pour sélectionner les NK alloréactifs (prolifération monoclonale de NK qui détruisent les cellules de l'hôte, y compris les cellules leucémiques).
Dans ce travail, 92 patients atteints d'une leucémie grave (57 leucémies myéloïdes chroniques : LMC ; et 35 leucémies lymphoïdes aiguës : LLA) ont reçu une transplantation de moelle haploïde compatible pour le locus HLA-C. La prise de greffe primaire a été réussie dans 90,2 % des cas, une GVHD est survenue dans 8,6 % des cas et la survie sans événement a été de 26 % pour les LMC et 8 % pour les LLA.
Soixante pour cent de survie
Afin d'évaluer le rôle des lymphocytes NK sur les résultats de la transplantation, les paires donneur-receveur ont été divisées en deux groupes : un groupe chez qui ont été sélectionnés des ligands des récepteurs KIR non compatibles, un groupe où cette sélection n'a pas été faite. La sélection a été réalisée en évaluant l'alloréactivité des NK (screening des clones et fréquence des clones lytiques). On observe alors l'effet protecteur de la sélection : contre le rejet, le GVHD et les rechutes de LMC. En effet, chez les patients ayant une LMC, la survie à cinq ans sans événements était de 5 % dans le groupe non sélectionné, contre 60 % dans le groupe sélectionné. L'analyse multivariée a montré que le choix d'un ligand KIR incompatible était le seul facteur de prédiction de la survie et que, inversement, l'absence de sélection était le seul facteur de prédiction d'un mauvais résultat. Dans les LLA, il n'a été observé aucun effet.
Selon les auteurs, ces résultats s'expliqueraient par un effet GVL des NK. Pour vérifier cette hypothèse, ils ont induit une LMC chez des souris en leur transférant des cellules humaines de LMC : les souris non traitées ou qui n'avaient pas reçu de lymphocytes NK mouraient en trois semaines, alors que celles qui avaient reçu des NK alloréactifs survivaient (120 jours au moins avant d'être sacrifiées).
Une thérapeutique d'avenir
Ils ont également montré chez la souris que l'administration de ces NK alloréactifs réduit le besoin en radiothérapie ou chimiothérapie ; et que les NK peuvent remplacer la déplétion en lymphocytes T (le taux de survie chez des souris à qui l'on avait administré des lymphocytes T et des NK était de 100 %).
Les conséquences thérapeutiques de cette étude sont indéniables, car l'administration de ces NK permet « de prévenir la réaction contre l'hôte et de conserver dans le greffon des cellules T, donc, de maintenir l'effet GVL, tout en réduisant les complications infectieuses et tumorales ».
«Science » du 15 mars 2002, vol. 295, pp. 2097-2100.
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