Les Allemands ont très tôt misé sur les cellules souches et ce n'est donc pas un hasard si les résultats cliniques les plus avancés ont été présentés par des équipes allemandes, en particulier le Pr Helmut Drexler (Hanovre). Cette étude a porté sur 60 patients ayant fait un infarctus avec sus-décalage de ST (tous avaient subi une angioplastie). Chez 30 patients ayant reçu une greffe de cellules souches (prélevées au niveau de l'iléon), on constate que la greffe « prend » et est bien tolérée ; surtout, après six mois, on enregistre une augmentation de la fraction d'éjection de 6,7 %, par rapport au groupe contrôle ; enfin, on n'enregistre pas de troubles du rythme.
Une autre équipe pionnière, celle de B. E. Strauer (Düsseldorf) a également présenté les résultats d'une étude portant sur 40 patients ayant présenté un infarctus, traité par angioplastie et stent : 20 de ces patients ont accepté une greffe de moelle osseuse alors que 20 ont refusé, constituant le groupe témoin. Les cellules souches étaient prélevées de quatre à huit jours après l'infarctus, placées en culture pendant une nuit et réinjectées le jour suivant, en intracoronaire grâce à un cathéter.
Trois mois après l'intervention, les patients ayant reçu des cellules souches ont amélioré nettement plusieurs paramètres : la surface lisse du ventricule gauche passe de 33 à 14 % ; la vitesse de contraction cardiaque passe de 1,5 à 3,3 cm/s. La fraction d'éjection passe de 55 à 60.
Le suivi à quinze mois de ces patients montre que ces améliorations se maintiennent. Ce qui, pour l'auteur, montre que les effets des greffes de cellules souches sont durables pour combattre le remodelage myocardique après infarctus.
Insuffisance cardiaque ischémique
L'équipe d'E. C. Perrin (Houston, Texas) a, pour sa part, des cellules mononucléées de moelle osseuse pour traiter des patients présentant une insuffisance cardiaque sévère d'origine ischémique. En effet, des travaux expérimentaux avaient montré que l'injection de telles cellules dans des tissus ischémiques entraîne la croissance de ces tissus. Vingt patients sont entrés dans cet essai contrôlé ouvert : 11 d'entre eux ont reçu des cellules mononucléées en intracardiaque (au niveau du ventricule gauche, en transendocardique).
Les auteurs observent, chez les patients traités, une réduction du pourcentage de tissu myocardique présentant des signes d'ischémie : de 15 % à l'inclusion, on passe à 4,5 % à deux mois et à 8,8 % à six mois. Chez les sujets témoins, on passe au contraire de 10 à 32 % à six mois. En revanche, le traitement n'a aucune efficacité sur les zones infarcies cicatricielles.
Parallèlement, les capacités à l'effort s'améliorent nettement dans le groupe traité ; ainsi, la VO2 max passe de 18 ml/kg/mn à 23 ml/kg/mn, après deux mois et à 24 ml/kg/mn après six mois. Dans le groupe témoin, on reste, au contraire, autour de 17-18 ml/kg/mn. L'étude des équivalents métaboliques (METs), autre marqueur des capacités cardiaques à l'effort, met en évidence des variations analogues.
Ces données d'examen s'accompagnent d'une amélioration véritable des capacités physiques des patients : l'un d'entre eux a été capable de monter huit étages pour rentrer dans son appartement pendant une coupure de courant alors qu'il était très handicapé auparavant !
Alors que les essais cliniques se mettent en route, les recherches fondamentales se multiplient. Ainsi, les chercheurs de la Tufts University de Boston pensent avoir isolé un clone de cellules de moelle osseuse multipotentes : réinjectées en intracardiaque chez des rats présentant un infarctus provoqué, ces cellules améliorent davantage les fonctions cardiaques à 28 jours, que des cellules de moelle osseuse tout venant ou qu'un placebo. Par ailleurs, ces cellules multipotentes augmentent la production de cytokines angiogéniques et des facteurs de transcription cardiaque, des facteurs qui favorisent la croissance des vaisseaux cardiaques.
Tous ces travaux sont prometteurs et le nombre des publications est un signe de l'intérêt des équipes de recherche pour ce domaine. Il reste encore beaucoup d'inconnues : les cellules souches sont vasculogéniques mais sont-elles vraiment myogéniques ? Quel est le mécanisme d'action précis de ces greffes ? Surtout, il faut attendre les résultats des grands essais contrôlés, comme d'ailleurs pour les concurrentes des cellules souches, les cellules prélevées au niveau des muscles squelettiques. On saura alors vraiment si nous sommes en train de vivre une vraie résolution thérapeutique.
Le G-CSF pour recruter les cellules souches
Parallèlement aux travaux visant à démontrer l'efficacité des cellules souches pour « réparer » précocement les lésions d'infarctus, des chercheurs tentent d'améliorer le recrutement des cellules souches, une étape clé si cet axe thérapeutique devait se développer. A ce titre, plusieurs travaux présentés à Orlando indiquent que le G-CSF devrait être un bon candidat pour favoriser la mobilisation des cellules souches médull Glover (Ottawa, Canada) a présenté les résultats d'une étude préliminaire portant sur 5 patients qui ont reçu le G-CSF, dans les deux semaines suivant un infarctus par voie sous-cutanée (une fois par jour 4 fois par semaine pendant 2 semaines).
On constate ainsi une augmentation significative des CD34+, un marqueur des cellules souches. On note également une augmentation significative des leucocytes. Après 4 jours, le taux des leucocytes est multiplié par 5 et celui des CD34+ par 10.
Parallèlement, on enregistre une augmentation de 27 à 35 % de la fraction d'éjection systolique, le PET-scan montrant que le pourcentage de tissus viables passe de 59 à 75 %.
Ces premiers résultats cliniques semblent donc confirmer des travaux expérimentaux qui chez l'animal montraient un accroissement considérable du nombre des vaisseaux sanguins dans les régions proches de l'infarctus et une augmentation significative du volume d'éjection systolique.
Ainsi, le G-CSF semble bien placé pour jouer le rôle de recruteur de cellules souches même si deux autres cytokines sont sur les rangs, le GM-CSF et le SDF-1.
Dr A. M.
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