Un mois : c'est le délai qui aura été nécessaire à Jean-Pierre Raffarin pour décider... de ne pas décider.
Le Premier ministre était plongé dans l'embarras par sa majorité qui avait adopté sous forme d'amendements deux mesures restreignant l'accès aux soins des plus démunis : l'introduction d'un ticket modérateur pour les soins dispensés en ville dans le cadre de l'aide médicale d'Etat (AME), dont bénéficient les étrangers en situation irrégulière, et le report de l'ouverture des droits au premier jour du mois suivant la décision d'attribution pour les allocataires de la couverture maladie universelle (CMU), au lieu de l'actuelle prise en charge immédiate.
Des mesures justifiées au nom de la « responsabilisation » des patients, le coût annuel de l'AME ayant dérapé ces deux dernières années de 76 à 506 millions d'euros.
Recadrer le dispositif
Mais cette réforme n'entrera pas en application « pour l'instant », a annoncé Dominique Versini. Le Premier ministre ne « désavoue pas les parlementaires », a expliqué la secrétaire d'Etat à la Lutte contre la précarité et l'exclusion, mais il souhaite « recadrer le dispositif », « prendre le temps de voir comment cela fonctionne ». « Puis, nous dresserons un bilan, cela peut prendre plusieurs mois, ou un an », a-t-elle ajouté.
Autrement dit, si le Premier ministre prend sur lui de ne pas signer les décrets d'application des textes, il n'insulte pas l'avenir en se gardant d'en envisager l'abrogation.
Pour autant, chez les associations qui s'étaient mobilisées contre la réforme, c'est la satisfaction qui domine. Satisfaction « que le gouvernement ait entendu nos arguments et que la tentative de supprimer la gratuité des soins ait échoué », dit Claude Moncorgé ; le président de Médecins du Monde (MDM) a remercié Dominique Versini « d'avoir porté (sa) parole chez le Premier ministre ». C'est du reste dans un centre de soins de son organisation, avenue Parmentier, à Paris, que la secrétaire d'Etat s'était rendue pour faire part de la nouvelle.
Satisfaction encore à Médecins sans Frontières, où l'on rappelle que « plus de 100 000 personnes (chefs de service hospitalier, médecins généralistes et spécialistes, directeurs d'hôpital et de caisse primaire d'assurance-maladie, élus usagers ou simples citoyens) se sont mobilisés contre cette mesure discriminatoire et dangereuse pour la santé des personnes les plus pauvres, en signant l'appel contre l'exclusion des soins », lancé par plusieurs associations et syndicats (MSF, Syndicat de la médecine générale et Coordination nationale des réseaux de santé)*.
A MSF, on reste cependant dans « l'attente de la circulaire qui préciser la modalités adoptées », l'association continuant de réclamer le maintien de l'ensemble des dispositions concernant la CMU et l'AME.
Chez Dominique Versini, on explique que les dispositifs AME doivent être remis dans le droit commun, avec un contrôle à l'accès pour éviter les files d'attentes stigmatisantes telles qu'elles existent à Paris et en Seine-Saint-Denis.
Un bilan devrait être tiré dans un an pour examiner les éventuelles dérives qui auraient pu être constatées. Des dérives que conteste par avance Claude Moncorgé, qui rappelle que « le budget total de l'AME représente 0,16 % du budget de l'assurance-maladie, pour un effectif de quelque 170 000 personnes, soit un coût social inférieur au coût moyen pour les assurés du régime général ».
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