DEUX ANS ET DEMI : c'est le temps que s'accordent les partis politiques pour préparer les élections présidentielle et législatives de 2007. On peut regretter qu'une période aussi longue soit consacrée au prélude de la bataille, au détriment possible de la gestion du pays. Mais il est vrai que certains enjeux, notamment la construction de l'Europe, sont immédiats.
M. Sarkozy, qui a été reçu par le président de la République pendant une heure et demie, avant la consultation de l'UMP, sait qu'en se privant d'un ministère, il va briguer la présidence à partir de l'étroite plateforme du mouvement gaulliste. Il est probable que Jacques Chirac va procéder à un remaniement gouvernemental qui peut aller jusqu'à la démission de Jean-Pierre Raffarin et son remplacement par un homme, par exemple Dominique de Villepin, qui serait le candidat du président, à supposer que le chef de l'Etat ne songe pas à se présenter de nouveau.
ON SE DEMANDE SI LA DÉTRESSE DU PAYS N'EST PAS LE CARBURANT DES AMBITIONS PERSONNELLES
Une tâche titanesque.
Nicolas Sarkozy devra donc lutter contre un rival qui peut soit briller dans l'exercice du pouvoir, soit subir une conjoncture défavorable, laquelle permettrait au nouveau président de l'UMP de foncer vers le pouvoir. Alain Juppé est-il absent de ce tableau ? Certainement, si sa condamnation est confirmée en appel. Et même si elle est infirmée, sa décision - honnête - de quitter tous ses postes, y compris la mairie de de Bordeaux, que la droite a conservée de justesse dimanche dernier, ne lui offre que la possibilité de jouer les conseillers de l'ombre.
Avec son entêtement coutumier et son ambition légendaire, M. Sarkozy s'attelle à une tâche titanesque : la partie ne se joue pas qu'à droite et, même s'il vainc les résistances qui se manifestent contre lui à l'UMP, à l'Elysée et à Matignon, il devra aussi battre le candidat de la gauche pour entrer à l'Elysée. La gauche, pour autant qu'on puisse en juger aujourd'hui, c'est-à-dire vingt-huit mois avant les élections, est bien placée : si la cote de M. Chirac se redresse, celle de M. Raffarin ne dépasse pas les 30 %. Ce niveau traduit une sorte d'allergie au Premier ministre, mais pas seulement à sa personne ; aux réformes de la droite aussi. Entre gouvernants et gouvernés, il y a donc un climat d'incompréhension croissant qui ne peut que jouer en faveur de la gauche. Nous ne croyons pas nous avancer beaucoup en disant que des élections qui auraient lieu aujourd'hui renverseraient la majorité actuelle.
Une adversité tenace.
Le gouvernement lutte pied à pied contre l'adversité. Voilà maintenant que la croissance ralentit et que les prévisions pour 2005, quoi qu'il en dise, risquent d'être modifiées par la hausse du prix du pétrole et par la baisse du dollar. Le patronat perd confiance, qui a arrêté d'investir. Au moment où la consommation interne ralentit, l'insuffisance de nos moyens de production nous ferme la porte des exportations (notre commerce extérieur est déficitaire depuis cette année).
Dans ces conditions, qu'est-ce que qui empêcherait les Français de choisir la gauche en 2007 ? Un rebond miraculeux de la croissance et rien d'autre : en trente mois, M. Raffarin a subi une usure considérable ; les réformes, pourtant indispensables, sont rejetées par les Français et elles seraient peut-être annulées par une gauche qui reprendrait le pouvoir.
Enfin, la configuration compliquée que M. Chirac est en train de mettre en place pour contourner l'obstacle Sarkozy ne clarifie pas le débat ; et surtout, elle montre à l'opinion que les questions personnelles supplantent les convictions : il y aura en effet un nouveau Premier ministre chargé de mener à terme la tâche réformatrice de Jean-Pierre Raffarin ; et, à l'UMP, il y aura un homme brillant, sommé par les chiraquiens de rester loyal à Chirac, mais qui s'efforcera d'arracher le parti à l'emprise du président pour en faire son boutoir électoral. Cette dualité risque de ruiner les dernières chances de la droite.
Une folie de la gauche.
De même que la dualité de la gauche sur le traité constitutionnel est une folie dont elle aurait dû faire l'économie : toute l'estime qu'inspire Laurent Fabius n'empêchera personne de penser qu'il joue quitte ou double dans cette affaire et qu'il a transformé la politique en loterie. S'il gagne, grâce au non du PS à la Constitution européenne (ce sera décidé à la fin du mois), il devient certes le candidat naturel du Parti socialiste ; s'il perd, il se retire et laisse la voie libre aux Strauss-Kahn, Hollande, Jospin, Lang.
Mais même s'il gagne, il risque de provoquer la scission du PS, et de perdre plus tard la présidentielle et les législatives. Ou alors, il parvient à soulever une vague anti-européenne énorme qui sera infiniment plus coûteuse à la France que son échec personnel au référendum socialiste.
Son calcul est d'autant plus ruineux que la gauche pouvait attendre tranquillement que l'impopularité de la droite atteigne ce degré où sa défaite s'inscrivait tout bonnement dans les faits.
A n'en pas douter, Jacques Chirac peut se féliciter d'avoir soumis le traité constitutionnel à un référendum national, ce qui a contraint les socialistes à prendre position avant ce scrutin ; mais on n'assiste pas à ces jeux pervers sans un minimum d'écœurement : des ambitions, il y en a ; des compétences capables de tirer la France de l'ornière, on en décèle beaucoup moins. D'ailleurs, on se demande si le carburant de l'ambition n'est pas la détresse du pays : l'homme providentiel tire son énergie du désarroi du peuple.
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