Les contribuables britanniques sont-ils prêts à mettre la main à la poche pour restaurer leur système de santé au bord de l'effondrement ? C'est ce qu'espère le Premier ministre, Tony Blair.
Il a donné cette semaine le signal le plus clair d'une hausse des impôts dans le budget 2002-2003, qui doit être présenté en avril, pour tenter de sauver le National Health Service (NHS), le système de santé britannique qui souffre de dizaines d'années de sous-investissement (voir encadré). « Si nous voulons investir de façon soutenue dans le NHS pendant un certain temps, nous devrons payer le prix », a-t-il déclaré à la BBC. « Je pense que cet argent doit venir de l'impôt », a-t-il ajouté.
En novembre déjà, le ministre des Finances, Gordon Brown, avait souligné que le gouvernement « n'excluait pas des hausses d'impôts » pour moderniser le NHS. « C'est un débat qui doit avoir lieu » car les services de santé « ont besoin d'une réforme et d'une modernisation », ajoutait-il.
Ce débat est délicat dans un pays où une promesse d'abaisser les impôts a longtemps été un gage de succès électoral, alors que personne ne s'intéressait aux services publics.
Mais la situation a évolué, et les Britanniques supportent de plus en plus mal leur réseau ferroviaire obsolète, leur écoles négligées et les listes d'attente dans les hôpitaux si longues qu'ils doivent se faire soigner à l'étranger (voir ci-dessous).
« Le gouvernement sait que, s'il n'obtient pas de résultat dans les services publics avant la fin de son mandat (en juin 2006) , il aura de gros problèmes », note le professeur Wyn Grant, de l'université de Warwick. « Cela est particulièrement vrai du service de santé », ajoute-t-il.
Selon un rapport gouvernemental publié en novembre, le NHS ne répond pas aux demandes des patients et ne soutient pas la comparaison en termes de qualité avec d'autres pays européens.
Tony Blair est régulièrement apostrophé à la Chambre des communes sur une nouvelle affaire touchant le NHS. Le mois dernier, une femme de 94 ans a affirmé être restée deux jours dans un couloir d'hôpital sans recevoir le moindre traitement.
L'injection de fonds publics dans le NHS devra être massive, selon les analystes, qui tablent sur plusieurs milliards de livres d'investissements. Certains évaluent le coût pour chaque contribuable à 10 livres (16 euros) par semaine.
Selon Wyn Grant, c'est un prix qu'ils sont prêts à payer. « Il y a eu un changement dans l'opinion. Les gens réalisent qu'on ne peut plus baisser les impôts et espérer des services publics de qualité », estime-t-il.
Un impôt spécial NHS ?
Mais l'argent suffira-t-il ? Certains analystes estiment qu'il faudra des années avant que ces investissements fassent leur effet. Peter Robinson, économiste à l'institut de recherche Public Policy Research, pense que l'argent ne suffira pas pour atteindre les deux grands objectifs du gouvernement : abaisser le taux de mortalité et réduire les inégalités face à la maladie.
« Ce genre de résultats n'est pas forcément obtenu avec une injection de fonds », souligne-t-il.
« En examinant dans l'Union européenne le lien entre les dépenses de santé et la satisfaction du public, on constate qu'il est faux que les pays qui dépensent plus que le Royaume-Uni ont des usagers plus satisfaits », ajoute l'économiste.
D'autres préviennent qu'un système de santé est un puits sans fond, et que les dépenses de santé devraient être encadrées et ciblées, de façon que le public puisse évaluer leur effet.
George Bull, conseiller fiscal au cabinet de comptables Baker Tilly, se prononce pour un impôt « spécial NHS ». « Je pense qu'il faut une taxe NHS séparée, qui soit clairement séparée de l'impôt sur le revenu », explique-t-il.
Il ajoute que le gouvernement doit être responsable devant le public de la façon dont cet argent sera dépensé : « Les électeurs savent par expérience que cet argent peut facilement être détourné vers d'autres projets. »
Un budget notoirement insuffisant
L'état calamiteux du système de santé britannique tient largement à l'insuffisance des crédits qui sont consacrés au NHS. En 2000, les dépenses de santé représentaient 5,5 % du PIB britannique contre un peu plus de 8,5 % en France (consommation de soins et de biens médicaux), soit un pourcentage nettement inférieur à la moyenne européenne. Les dépenses de santé par habitant sont en France de 60 % supérieures à ce qu'elles sont en Grande-Bretagne. L'une des conséquences de ce sous-financement est la constitution de listes d'attente pour les malades qui souhaitent être hospitalisés. A la fin de 2001, il y avait 1 050 000 patients inscrits sur ces listes dont 31 400 depuis plus d'un an.
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