C OMME chaque année à pareille époque, la fièvre monte dans la cité royale de Pau. Depuis plusieurs jours, déjà, les avenues Gaston-Lacoste, Napoléon-Bonaparte, Léon-Say et Général-Poeymirau, au cur de la ville du bon roi Henri IV, sans oublier la célèbre grande courbe du parc Beaumont, où les bolides frisent les 180 km/h, entre la gare, le palais d'hiver (casino municipal) et le lycée Marguerite-de-Navarre, toutes ces artères ont été « sécurisées » avec des barrières métalliques et des empilements de pneumatiques ; car, de classiques voies embouteillées de centre-ville, elles vont se transformer pour quelques dizaines d'heures en un circuit de grand prix automobile. Et constituer le dernier circuit urbain qui subsiste à ce jour en France, avec celui des Vingt-Quatre Heures du Mans.
Dernier briefing
Au fil du temps, le GPP a perdu quelques-uns de ses titres de légende, avec l'arrêt du grand prix moto, de la Formule 2 ( « la reine de Pau »), de la Formule 3 000, enfin. Mais la Formule 3 internationale a pris le relais et sauvegarde le panache de la rencontre.
Ce matin, le Dr Noël Deny va donc réunir pour un dernier briefing l'ensemble des personnels médicaux et paramédicaux mobilisés pour garantir la sécurité médicale des trois jours de la compétition. Un contrat essentiel pour la pérennité de la manifestation : « Le risque zéro n'existe évidemment pas, mais il nous appartient de réunir toutes les conditions de sécurité médicale, sans lesquelles la Fédération française de sport automobile pourrait retirer l'homologation du circuit et arrêter l'épreuve », explique cet urgentiste de 49 ans, anesthésiste-réanimateur au centre hospitalier d'Oloron (Pyrénées-Atlantiques).
Médecin fédéral et médecin chef du grand prix, le Dr Deny va donc récapituler ses consignes sur les affectations précises des uns et des autres. Ses troupes sont constituées de six urgentistes et/ou anesthésistes-réanimateurs répartis sur le circuit dans l'un des six postes de secours disposés à des sites dits stratégiques, c'est-à-dire considérés à hauts risques d'accidents (sorties de route ou collision). Avec eux, au nombre de deux ou trois, des infirmiers et infirmières (diplômés d'Etat ou spécialisés en anesthésiologie-réanimation ; trois chirurgiens (un traumatologue, un chirurgien viscéral et un neurochirurgien), présents, ou à tout le moins d'astreinte ; et des généralistes, une douzaine de Palois, dont le rôle est plus particulièrement de prendre en charge les urgences survenues dans la foule des spectateurs.
Ni morts, ni blessés graves en six ans
Au cur du dispositif, le poste médical avancé (PMA), jouxtant les sites de la Croix-Rouge française, du PC radio général et du PC course (d'où sont coordonnés les quelque 200 commissaires). Un PMA fort de quatre unités de soins adaptées, disposant d'une importante banque de matériels et de médicaments (matériel de monitorage et de réanimation cardio-respiratoire, de drainage thoracique, de contention et de petite chirurgie).
C'est dans ce PMA qu'on aura le plus de chance, d'ici dimanche, de croiser le Dr Deny. Avec ses trois talkies-walkies, il est en liaison constante avec la Croix-Rouge, les pompiers, le SDIS, la police, la direction de la course et le PC des commissaires, tout comme, naturellement, avec les six postes de secours et la douzaine d'ambulances réquisitionnées, le véhicule d'intervention médicale rapide qui fait office de « safety car » de 400 chevaux.
Présent à tout et tous, le médecin chef est également relié aux établissements hospitaliers, publics et privés, qui, dans le département, à Pau, Ortez, Oloron ou Bayonne, sont mobilisables en cas d'activation du plan rouge.
En six ans passés aux commandes médicales du GPP, ce dispositif n'a pas été nécessaire. « Pas de morts, pas de blessés graves, se réjouit-il. La plus grande émotion que nous ayons ressentie, ce fut il y a deux ans, pour un pilote de 45 ans qui a terminé la course avec une nécrose myocardique aiguë. Nous avons pu lui faire bénéficier, avant même son évacuation, d'une thrombolyse commencée sur le site même du circuit, moyennant quoi nous l'avons tiré d'affaire. »« Comme quoi, observe le Dr Deny, ce type de pathologie qu'on redouterait plutôt parmi les spectateurs peut tout aussi bien toucher les participants. »
Plein les yeux, les oreilles et les narines
Des participants pour lesquels on n'aura eu à déplorer jusqu'ici que des problèmes bénins de traumatologie, essentiellement aux membres supérieurs, quelques contusions du rachis au niveau cervical et dorsal, des problèmes oculaires (irritation et sécheresse cornéenne), ainsi que des corps étrangers liés surtout à des projections diverses et au dégagement de poussières provoquées par le passage des bolides.
Pour ces derniers risques, les médecins sont logés à la même enseigne que les champions. Pendant trois jours, à raison de douze ou quatorze heures par jour, avec en prime une nocturne le dimanche, les urgentistes en auront plein les yeux, avec les poussières, plein les oreilles (avec les hurlements des moteurs et les crissements des pneus), plein les narines, avec les relents très prégnants du kérosène. La canicule aidant, comme l'annonce la météo, l'épreuve se révèle nerveusement éprouvante. Et le Dr Deny n'a pas trop de tout son sens de l'autorité pour diriger la manuvre et faire pièces aux humeurs des uns et aux ressentiments des autres, chacun finissant par se plaindre de son lieu d'affectation, d'où « on ne voit rien et où on est complètement assourdi ».
Mais tous se retrouvent dans la même passion partagée pour la compétition automobile, à l'instar du Dr Deny, lui-même pilote de rallye à ses heures. « Pendant trois jours, confie-t-il, même si les conditions sont sévères, nous communions dans la même fièvre et nous nous solidarisons pour faire face à tout moment aux risques. Et des risques qui peuvent tourner en un instant au drame, comme une voiture qui tout à coup décolle et atterrit une seconde plus tard au beau milieu du public. » Un public maintenu à deux ou cinq mètres seulement de la chaussée, suivant le segment du circuit.
Quant au retentissement d'une telle compétition organisée en pleine ville sur de jeunes apprentis pilotes échauffés, le Dr Deny s'avoue partagé : « Le risque que certains jeunes, surexcités par l'atmosphère de la course, veuillent se livrer eux-mêmes, à leur tour, à quelques chronos et finissent dans le fossé est un vrai problème ; l'intérêt de leur faire exorciser leur passion de la vitesse sur des circuits spécialement aménagés et sécurisés n'en est que plus nécessaire. » Une nécessité rendue souvent inaccessible par son coût financier.
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