Cette action du fénofibrate n'est pas une totale surprise : ce dérivé de l'acide fibrique (acide fénofibrique) avait déjà montré sa capacité à réduire l'uratémie en augmentant la clairance rénale d'acide urique, cela chez des volontaires sains et des sujets hyperlipidémiques diabétiques ou non diabétiques.
Mais, jusqu'à présent, aucun travail n'avait montré la capacité du fénofibrate à réduire l'uratémie chez des sujets hyperuricémiques recevant déjà de l'allopurinol. C'est dire si les trois observations rapportées par des Britanniques dans « Annals of Rheumatic Diseases » sont intéressantes.
Le premier patient, un Chinois de 74 ans, avait des crises de goutte récurrentes touchant les métatarsophalangiennes (MTP) tous les deux ou trois mois depuis trois ans. Il était traité pour une HTA et une hypercholestérolémie et recevait de l'allopurinol (300 mg/j) depuis trois mois ; sous traitement, son uratémie était entre 0,40 et 0,44 mmol/l et sa clairance des 24 heures d'acide urique à 6,4 ml/min.
Trois semaines après l'introduction d'un traitement par fénofibrate micronisé (200 mg/j), l'uratémie baissa de 35 % (0,26 mmol/l), tandis que la clairance d'acide urique montait à 11,5 ml/min. L'activité des phosphatases alcalines passa de 77 à 44 U/L, confirmant la compliance au traitement par fénofibrate. Une interruption fut suivie de la remontée de l'uratémie. Après réintroduction, plus aucune crise de goutte ne survint.
Baisse de l'uratémie et disparition des crises de goutte
Le deuxième patient, âgé de 49 ans, avait des épisodes de goutte des MTP et des genoux, malgré l'allopurinol à 300 mg/j puis 600 mg depuis six mois. Son uratémie était de 0,61 mmol/l et sa clairance à 8 ml/min. On ajouta du fénofibrate micronisé (200 mg/j) à son allopurinol ; trois semaines plus tard, son uratémie avait baissé de 39 % (0,37 mmol/l), avec doublement de la clairance. Une interruption entraîna une remontée de l'uratémie. Après réintroduction, plus aucune crise de goutte ne survint.
Le troisième patient, âgé de 43 ans, avait, toutes les quatre à six semaines, des crises de goutte touchant la cheville et les interphalangiennes. Il avait des antécédents familiaux de goutte. Lors de la crise la plus récente, son uratémie était à 0,35 mmol/l. Un mois plus tard, elle était à 0,48 mmol/l, avec un cholestérol total à 8,2 mmol/l et des triglycérides à 2,4 mmol/l.
On entreprit un traitement par fénofibrate micronisé ; trois semaines plus tard, son uratémie avait diminué de 29 % (0,34 mmol/l), le cholestérol à 7,3 et les triglycérides à 1,5 mmol/l. En même temps, la clairance de l'acide urique était montée de 5,8 à 11,2 ml/min. Pendant six mois de suivi, aucune crise de goutte ne survint.
Un effet rénal spécifique
« Nous avons rapporté trois cas d'hyperuricémie associés à des épisodes récurrents de goutte, dans lesquels le fénofibrate micronisé a été efficace en diminuant l'uratémie et en réduisant la fréquence de la goutte. De façon notable, deux de ces patients étaient déjà sous allopurinol », soulignent les auteurs.
« Le doublement de la clairance de l'acide urique, qui s'est inversée quand le fénofibrate a été interrompu, indique un effet rénal spécifique. »
Aucun de ces patients n'a eu d'effet secondaire sous fénofibrate. Tous ont reçu des conseils pour augmenter leurs apports liquidiens, bien qu'on n'ait jamais rapporté de lithiase urinaire urique sous fénofibrate. Il n'y a pas été observé d'interaction entre l'allopurinol et le fénofibrate.
L'hyperlipidémie est fréquente et constitue un risque majeur de maladie cardio-vasculaire. La relation entre les maladies cardiaques ischémiques et le taux d'urate est controversé. Un travail a récemment suggéré que l'hyperuricémie peut être un facteur de risque indépendant, même si d'autres ne l'ont pas confirmé. « Une réduction concomitante de l'hyperlipidémie et de l'uratémie pourrait être souhaitable pour réduire le risque cardio-vasculaire », estiment les auteurs. Le fénofibrate pourrait, dans ce cadre, avoir un effet dual. Le rôle spécifique de ce médicament dans un domaine important requiert de nouvelles études.
« Nous encourageons de nouvelles études pour évaluer le rôle du fénofibrate seul ou en combinaison avec l'allopurinol dans le traitement de la goutte et de l'hyperuricémie. »
« Annals of Rheumatic Diseases », 2001 ; 60 : 984-985.
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